Faut-il drainer cet épanchement pleural ?
Faut-il drainer cet épanchement pleural?
C’est une question que tout le monde se pose devant un épanchement pleural : entre le désir d’évacuer ce liquide pleural et possiblement d’optimiser la fonction du respiratoire du patient, et la crainte de faire un hémo ou pneumothorax, on y réfléchit à 2 fois.
Il y a ceux qui drainent tous les épanchements pleuraux quels qu’ils soient et ceux qui ne jurent que par le « on va lui mettre du lasilix, ca va faire diminuer l’épanchement pleural ». Alors qui a raison ? La réponse se situe comme d’habitude, probablement au milieu.

Des études animales suggèrent qu’un épanchement pleural réduit la compliance pulmonaire et augmente le shunt intrapulmonaire, avec pour conséquence une hypoxémie. (Krell et al. J Appl Physiol 1994)
Une méta-analyse de 19 études observationnelles (Goligher et al, Crit Care 2011) (ca vaut ce que ca vaut…) montre une amélioration légère du ratio P/F après drainage pleural. Globalement l’effet était surtout marqué pour les épanchements de grande abondance (> 500ml) et pour les patients les plus hypoxémiques.
Trois études incluses dans cette méta-analyse ont étudié la mécanique ventilatoire avant et après drainage pleural et ont observé une amélioration de la compliance pulmonaire et une diminution du travail respiratoire après drainage. Le risque global de pneumothorax était de 4,3% et celui de l’hémothorax était de 1,6%. Cependant il n’y avait pas de preuve suffisante pour montrer que le drainage pleural pouvait réduire la durée de ventilation mécanique, la durée d’hospitalisation ou la mortalité.
Ces résultats sont confirmés par une étude ultérieure (Razazi et al, Ann Am Thorac Soc 2014) qui montre que le drainage d’épanchements pleuraux de grande abondance (> 500ml) chez des patients ventilés mécaniquement améliore l’oxygénation et la CRF.
Dans une autre étude chez 15 patients de réanimation ventilés mécaniquement avec un épanchement pleural unilatéral de plus de 400ml, le drainage pleural n’améliorait l’oxygénation et la mécanique respiratoire que chez les patients qui avaient une compliance pulmonaire abaissée. Chez les patients avec une compliance pleurale normale, c’est le recrutement alvéolaire et non le drainage pleural qui permettait d’améliorer l’oxygénation et la mécanique ventilatoire (Formenti et al, J Crit Care 2014).
En effet, la compliance pulmonaire peut rester stable malgré la présence d’un épanchement pleural suite à l’aplatissement du diaphragme en réponse à la présence de cet épanchement. En revanche, l’épanchement pleural affecte la fonction diaphragmatique comme le montre cette étude où l’excursion et l’épaississement diaphragmatique s’améliorait après drainage pleural (Umbrello et al, Crit Care Resusc 2017).
La présence d’un épanchement pleural peut aussi impacter le sevrage ventilatoire. Une étude prospective multicentrique sur 249 patients de réanimation a montré que la présence d’un épanchement pleural de moyenne à grande abondance (Moyenne abondance –>Distance interpleurale > 15mm = volume > 300ml, grande abondance –> DIP > 25mm) augmentait le risque d’échec de sevrage ventilatoire de manière indépendante après analyse multivariée (Razazi et al, Ann Intensive Care 2018)
Cependant dans une autre étude prospective multicentrique, la présence d’un épanchement pleural, même de moyenne à grande abondance, n’était pas associé à un échec de sevrage ventilatoire (Dres et al, Anesthesiology 2017).
Enfin dans le SDRA, le drainage d’un épanchement pleural est rarement efficace sur l’oxygénation, sauf si bien sûr il est de grande abondance. (Formenti et al. Minerva 2014)

En conclusion, comme dit dans l’introduction, la réponse est au milieu. Il n’y a pas beaucoup de littérature sur le sujet, seulement quelques études observationelles qui ne permettent pas d’apporter une réponse claire.
Les épanchements pleuraux de petit ou moyenne abondance n’ont en général peu d’effets sur la mécanique respiratoire et sur l’oxygénation, car la place prise par l’épanchement pleural dans le thorax est compensée par la compliance de la paroi thoracique et par l’aplatissement du diaphragme (Anthonisen et al. Am Rev Respir Dis 1977). En revanche quand l’épanchement pleural est de grande abondance ou que la compliance de la paroi thoracique est abaissée, l’épanchement pleural peut provoquer ou aggraver une hypoxémie par atelectasie du poumon sous jacent majorant ainsi le shunt intrapulmonaire. Dans ces cas là, un drainage pleural peut être salvateur.
Pour voir ou revoir comment évaluer la taille d’un épanchement pleural, c’est ici.
Pour voir ou revoir les bases de l’échographie pleurale c’est ici.
Take Home Messages
- Le drainage pleural améliore l’oxygénation et la mécanique respiratoire qu’en cas d’épanchements de grande abondance ou chez des patients hypoxémiques.
- Les épanchements de grande abondance peuvent augmenter l’incidence d’échec de sevrage ventilatoire
- Dans le SDRA, il ne sert à rien de drainer tout épanchement pleural avec le risque de faire un pneumothorax qui serait catastrophique. Il y a cependant un intérêt à drainer les épanchements pleuraux de grande abondance
Indications de drainage d’un épanchement pleural :
- Epanchement pleural de grande abondance
- Epanchement pleural de moyenne à grande
abondance ET :
- Hypoxémie persistante et/ou réfractaire au recrutement alvéolaire
- Echec de sevrage ventilatoire
- Patients à risque respiratoire : BPCO et Insuffisant respiratoire, Obèse
Article très important et bien écrit.