Echographie pleurale : faire un diagnostic de pneumothorax
Nous avons vu dans mon premier article consacré à l’échographie pleuropulmonaire, quelles étaient les bases à connaître afin de pouvoir l’utiliser comme outil diagnostique. Je vous conseille de le lire avant de continuer cet article, ça vous permettra de mieux comprendre ce que je vais expliquer ici.
Nous allons donc voir comment on peut diagnostiquer rapidement et simplement un pneumothorax.
L’échographie pleuropulmonaire comme outil diagnostic pour le pneumothorax
Une méta-analyse parue dans Critical Care en 2013 montrait que pour le diagnostic de pneumothorax, l’échographie pleurale avait une sensibilité de 78,6% et une spécificité de 98,4% alors que la radiographie thoracique avait une sensibilité de 39,8% et une spécificité de 99,3%.
L’échographie pleurale est donc un bon outil diagnostique, hautement spécifique, permettant de faire le diagnostic de pneumothorax en quelques secondes sans avoir à déplacer le patient, ni à le soumettre à une irradiation et sans avoir besoin d’attendre le résultat.
C’est pourquoi l’échographie pleurale a été intégrée au protocole de FAST-Echo, réalisant l’eFAST (extended FAST) dans le contexte de la traumatologie.

D’après: First-line sonographic diagnosis of pneumothorax in major trauma: accuracy of e-FAST and compassion with multi detector computed tomography. Radiol Med 2014 ; 119
Pour rechercher un pneumothorax il faut poser la sonde sur la partie antérieure du thorax, de manière longitudinale, au niveau du 2e,3e ou 4e espace intercostal. En effet on débutera l’analyse échographique au niveau des régions antérieures/proclives, car l’air à tendance à « monter ». On n’oubliera pas non plus d’analyser les deux hémithorax.
On peut alors aborder le problème de 2 manières : soit on cherche des signes qui permettent d’éliminer un pneumothorax avec une bonne valeur prédictive négative (VPN) ou on cherche des signes permettant de faire le diagnostic de pneumothorax avec une bonne valeur prédictive positive (VPP) et une bonne spécificité. Au final, ces 2 visions du même problème sont complémentaires et sont intégrées à la même démarche diagnostique.
Les signes qui permettent d’éliminer un pneumothorax
- Le Glissement pleural
Sa VPN est de 100%, autrement dit, la présence d’un glissement pleural permet d’éliminer le diagnostic de pneumothorax avec certitude !!
- Les Lignes B
Comme le glissement pleural, les lignes B ont une VPN de 100% et permettent donc, si elles sont visibles, d’éliminer le diagnostic de pneumothorax.
En effet ces lignes B sont présentes qu’en cas de pathologie pulmonaire (ex : œdème pulmonaire) et parfois en situation physiologique lorsqu’elles sont peu nombreuses.
Il faut cependant bien savoir les distinguer d’autres artefacts qui sont similaires (les lignes Z). Les lignes B ou « queues de comète » s’étendent sur toute la profondeur de l’image et effacent les lignes A (à la différence des lignes Z qui ne les effacent pas et qui sont plus courtes). Il faut donc savoir les reconnaître et il faut savoir utiliser des sondes de plus haute fréquence pour analyser le poumon plus en profondeur, afin de les différencier des lignes Z (les lignes B ne s’arrêtent pas).
- Signes montrant une consolidation alvéolaire ou un épanchement pleural
Lorsqu’on s’y connaît un peu plus en échographie pleuropulmonaire, tout autre signe qui montre la présence d’une consolidation alvéolaire ou un épanchement pleural permet d’éliminer le diagnostic de pneumothorax. En effet en cas de pneumothorax, ces signes ne seraient pas visibles.
Les signes qui permettent de faire le diagnostic de pneumothorax
Classiquement, le diagnostic de pneumothorax peut être affirmé par la présence conjointe de ces 3 signes : abolition du glissement pleural, absence de lignes B et présence d’un point-poumon.
On a vu dans le chapitre précédent que la présence d’un glissement pleural et de lignes B permet d’éliminer le diagnostic de pneumothorax. Par contre leur absence n’est pas un signe fiable de pneumothorax.
En effet, le glissement pleural peut être aboli dans de nombreuses autres situations : atelectasie, intubation séléctive, SDRA, symphyse pleurale, arrêt cardiaque, apnée, asynchronie avec le respirateur…
Sa spécificité est de 91% dans la population générale et tombe à 78% chez les patients critiques et à 60% en cas de SDRA.
De même, la visualisation de lignes A isolées (« signe du code barre ») a une spécificité de 60%. En effet, en situation normale, les lignes A sont présentes.!
Par contre, si on ne visualise que des lignes A ET une ou des lignes B, on peut alors éliminer le diagnostic de pneumothorax, même si on n’a pas le « signe du bord de mer ».
Bien sûr l’association d’une abolition du glissement pleural et la présence de lignes A exclusives (sans lignes B) permet d’orienter le diagnostic dans un contexte évocateur.
- Le « point-poumon »
Ce signe est pathognomonique d’un pneumothorax. Autrement dit, c’est le seul signe qui permet d’affirmer avec certitude le diagnostic de pneumothorax.
Il a une sensibilité de 66%, mais une spécificité de 100% et une VPP de 100%!
Dans cette vidéo, on voit bien que le glissement pleural (sur la droite) s’arrête en plein milieu de l’image.
Le « point-poumon » est la visualisation d’une zone de transition ou le poumon est collé par intermittence à la paroi (lors de l’inspiration), c’est la visualisation de la zone du décollement pleural. En mode TM on voit cette zone de transition entre le signe « du bord de mer » et le signe « du code barre ». Ce signe prouve également que l’abolition du glissement pleural n’est pas lié à un défaut technique.

A droite: en mode TM on voit bien la transition entre le signe du « bord de mer » et le signe du « code barre »
Cependant, en cas de pneumothorax complet et de poumon totalement collabé, ce « point-poumon » ne sera pas visible.
Afin de le rechercher, on se place sur la partie antérieure du thorax et on glisse progressivement la sonde latéralement jusqu’à se retrouver en postérieur. On cherche alors l’endroit ou on observe une réapparition du glissement pleural et du « signe de bord de mer » en mode TM. Il est également conseillé de le rechercher à différents niveaux intercostaux.
Ceci permet également d’évaluer le volume du pneumothorax, car un point-poumon latéral est corrélé avec une nécessité de drainage dans 90% des cas, alors que pour un point-poumon antérieur, l’indication de drainage tombe à 8%.. En effet plus le « point-poumon » est postérieur, plus le pneumothorax est volumineux.

Ici on a délimité au marqueur le « point-poumon » à différents niveaux intercostaux. Il reste antérieur, il n’y a donc probablement pas d’indication à le drainer.
En bas à droite on voit encore une image du « point-poumon »
Il est à noter que pour l’instant, il n’existe aucune recommandation permettant de poser l’indication d’un drainage sur les seules images échographiques. En cas de visualisation d’un pneumothorax, il faut donc faire un TDM thoracique afin d’évaluer correctement son volume (la radiographie thoracique n’étant pas très performante excepté pour les pneumothorax complet).
Par contre, la visualisation d’un pneumothorax à l’échographie permet de connaître son côté et de l’exsuffler, si la situation le requiert (detresse respi ou instabilité hémodynamique). Peut être que dans le futur, on pourra poser l’indication d’un drainage en fonction de la position du point-poumon.
Que faire en cas d’emphysème sous-cutané
Je tiens à remercier pasiphae, qui a posé cette excellente question dans le premier article concernant à l’échographie pleurale.
En cas d’émphysème sous-cutané, la transmission des ultrasons va être gênée par l’air sous-cutané. Sur l’échographe on aura on image moche et pleines d’artefacts.
Même si la présence d’emphysème sous-cutané oriente fortement vers la présence d’un pneumothorax, surtout dans un contexte évocateur, on peut essayer de contourner ce problème :
- Utiliser une sonde de plus basse fréquence pour visualiser le poumon plus en profondeur
En effet, en cherchant plus profondément, au delà de la zone d’emphysème sous-cutané on pourra rechercher les signes précédemment décrit. Si vous voyez des lignes B au milieu de tous ces artefacts liés à l’air sous-cutané, c’est qu’il n’y a pas de pneumothorax.
- Utiliser le Doppler-Couleur
On peut également se servir du doppler-couleur : si on voit une image horizontale en doppler-couleur qui va-et-vient, c’est probablement le glissement pleural. On peut alors éliminer un pneumothorax.
L’algorithme diagnostique
Voici un algorithme diagnostique qui permet de retenir facilement les étapes du diagnostic du pneumothorax. On commence d’abord par chercher les signes qui permet de l’éliminer, puis on cherche le « point-poumon » qui en fait le diagnostic ou l’ensemble de signes permettant de l’évoquer en cas de contexte évocateur.

D’après Bouhemad et al. Ultrasons for « Lung Monitoring » of Ventilated Patients. Anesthesiology 2015 ; 122; 2
Take Home Messages
- L’échographie pleuropulmonaire a une spécificité équivalente à la radiographie thoracique avec une meilleure sensibilité, sans les inconvénients.
- On recherche d’abord les signes permettant d’éliminer un pneumothorax : présence d’un glissement pleural et/ou de lignes B
- On recherche ensuite le « point-poumon » qui est pathognomonique du pneumothorax : on part de la partie antérieure du thorax et on se déplace latéralement jusqu’à observer la réapparition du glissement pleural.
- Plus le point-poumon est latéral, plus le pneumothorax est abondant.
- Il n’y a pas pour l’instant de recommandations permettant de poser l’indication d’un drainage sur les seules données de l’échographie pleurale, mais elle permet de connaître la présence et le côté d’un pneumothorax qu’on pourra exsuffler en cas d’instabilité hémodynamique.
- Pour vous entraîner, dès que vous avez un patient avec un pneumothorax (vu sur un Radio de Thorax ou un TDM), profitez en pour poser la sonde d’écho sur son thorax et déroulez l’algorithme diagnostique ci-dessus.
Bibliographie
- Lichtenstein. Lung Ultrasond in the Critically Ill. Annals of Intensive care 2014 ; 4 ; 1
- Lichtenstein. Comment je fais une échographie pleuro-pulmonaire. MAPAR 2005
- Bouhemad. Echographie pleuropulmonaire. JEPU 2012
- Lichtenstein. Echographie pulmonaire chez le patient en état critique. JEPU 2009
- Zieleskiewicz et al. Apport de l’échographie non-abdominale dans la prise en charge des traumatisés graves. JEPU 2012
- Bouhemad et al. Ultrasound for « Lung Monitoring » of Ventilated Patients. Anesthesiology 2015 ; 122
Il faut une sonde de plus basse fréquence pour voir plus profond nan ? #coquille
Tchuss
My bad, en effet sonde basse fréquence pour voir plus en profondeur (sonde abdo). Merci 🙂
Merci pour la clarté de vos propos et pour votre pédagogie accessible a un débutant comme moi.