Mise au point sur l’Aspirine en Périopératoire : L’étude POISE-2
J’ai relu cette semaine un article paru le printemps dernier dans le NEJM sur l’aspirine en périopératoire. Il remet en question l’intérêt de ce médicament pour la réduction de la mortalité et des infarctus du myocarde, et son effet sur le saignement peropératoire.
J’avais donc envie d’écrire un article dessus. En tant qu’anesthésistes, nous sommes confrontés en consultation d’anesthésie avec des patients ayant un traitement chronique par aspirine. Certains l’ont en prévention secondaire, d’autres l’ont en prévention primaire ou pour une raison obscure.
Pendant ma formation j’ai appris qu’on devait laisse l’aspirine en périopératoire, car elle n’augmentait pas le saignement de manière significative et permettait d’éviter les thromboses intra-stents en postopératoires. Cependant, j’ai toujours eu un doute sur l’intérêt de son maintien chez les patients à risque faible ou intermédiaire. Etant donné qu’elle n’augmente pas le saignement tellement que ça (sauf situations particulières), on peut se dire : ça fait pas de mal, mais ça ne peut faire que du bien….mais qu’en est-il vraiment ?
Pharmacologie de l’Aspirine
L’aspirine inhibe de manière irréversible l’activation plaquettaire par acétylation de la COX-1. Ceci va donc empêcher la formation du Thromboxane A2 qui est un activateur de l’agrégation plaquettaire. A des posologies plus importantes elle inhibe également la COX-2, qui est inductible par des mécanismes inflammatoires. Cette différence d’action rend compte des posologies différentes utilisées en fonction de l’action voulu : effet antiagrégant ou effet anti-inflammatoire
L’aspirine a une ½ vie de 20min, mais étant donné que son inhibition est irréversible, elle permet d’avoir une activité anti-agrégeante pendant au moins 48h après. On utilise habituellement la dose minimale efficace de 75mg pour avoir une inhibition plaquettaire complète, mais on peut augmenter jusqu’à 325mg, ce qui ne semble pas augmenter beaucoup l’efficacité de la molécule. Par contre à cette dose, elle augmente le risque d’effets secondaires comme les ulcères gastriques.
On considère que l’hémostase est correcte si au moins 20% des plaquettes sont fonctionnelles. Or toutes les 24h, 12% des plaquettes sont remplacées. Donc au-delà de 48h d’arrêt on peut considérer que l’activité plaquettaire est correcte. Ce qui est recommandé en pratique c’est de l’arrêter 3 jours avant.
Quelles sont les indications d’une anti-agrégation par Aspirine ?
- Prévention primaire
L’aspirine est indiquée en prévention primaire chez les patients à risque cardiovasculaire élevé (selon l’échelle SCORE) ou ceux ayant plusieurs facteurs de risques cardiovasculaires. Par ailleurs, chez le diabétique, il est recommandé de prescrire l’aspirine s’il a une microalbuminurie ou une protéinurie. Cependant, uniquement dans le cadre de la prévention primaire, il existe un doute sur le réel intérêt de l’aspirine. Elle réduirait uniquement le risque d’infarctus du myocarde (0.18% VS 0.23%) mais au prix d’une augmentation d’hémorragies digestives.
De manière plus spécifique l’aspirine est indiquée en prévention primaire, en cas de sténose carotidienne asymptomatique et chez les insuffisantes rénales chroniques. Elle est également indiquée en prévention primaire dans le SAPL ou dans la maladie de Vaquez.
- Prévention secondaire
Dans une méta-analyse sur 110 000 patients parue dans le Lancet en 2009, l’aspirine en prévention secondaire montrait qu’elle permettait une réduction significative des infarctus du myocarde et de l’évènement vasculaire majeur dans une population non chirurgicale.
Elle est donc indiquée dans les cas suivants :
- Chez le coronarien stable au long cours
- Apres infarctus du myocarde, en bithérapie avec un autre AAG pendant 1 an, puis seule.
- Stent nu : Bithérapie avec clopidogrel pendant 4-6 semaines puis seule au long cours
- Stent actif : Bithérapie avec clopidogrel pendant 6-12 mois puis seule. Mais une étude récente montre que pour les stents actifs le clopidogrel devrait être maintenu plus longtemps.
- Pontage coronarien : Bithérapie pendant 1 an puis aspirine seule
- Apres AVC ou AIT au long cours
- Apres angioplastie carotidienne, en bithérapie pendant 1 mois puis seule. Par ailleurs il est recommandé de faire les endartériectomies carotidiennes sous couverture anti-agrégeante par aspirine, donc à débuter avant
- Apres angioplastie intracrânienne, la bithérapie pendant au minimum 1-3mois, puis aspirine seule.
- AOMI symptomatique : au long cours. Par ailleurs, comme pour la carotide, les pontages doivent être réalisés sous couverture anti-agrégeant en préopératoire.
- ACFA elle est recommandée en cas de score de CHADS = 0
- Apres fermeture d’un FOP = au long cours
- Apres bioprothèse aortique et mitrale QUE SI Athérosclérose associée
- Apres TAVI
- En obstétrique AVANT 20 SA chez les patientes avec au moins un antécédent de préeclampsie précoce et sévère.
Recommandations pour la gestion périopératoire
La RFE 2006 sur la gestion du traitement antiplaquettaire oral chez les patients porteurs d’endoprothèses coronaires et les Recommandations de bonne pratique sur le bon usage des antiplaquettaires recommandent de maintenir le traitement anti-agrégeant par aspirine le plus possible, SAUF pour les chirurgies à risque hémorragique important, ou à risque fonctionnel important, si saignement. Dans ce cas il faut discuter au cas-par-cas entre risque hémorragique et risque thrombotique :
- Grands décollements
- Prostate (surtout RTUP, avant l’introduction du laser)
- Neurochirurgie
- ORL (surtout amygdalectomie !!)
- Segment postérieur de l’œil
Ces recommandations concernent surtout le patient coronarien ou avec antécédent d’AVC. Chez les patients stentés depuis moins de 6 semaines pour un stent nu ou moins d’1 an pour un stent actif, on essayera de repousser la chirurgie. Si la chirurgie est urgente, il faut maintenir l’aspirine (arrêter le clopidogrel), mais cette bithérapie devra être reprise le plus vite possible en postopératoire.
Par ailleurs, concernant l’ALR, sa réalisation n’est pas contre-indiquée chez un patient sous aspirine. Pour les anesthésies médullaires et perimedullaires, elles ne sont pas non plus contre-indiquées, à condition de faire une « ponction unique », d’avoir une hémostase biologique correcte et de procéder à une surveillance neurologique rigoureuse en postopératoire.
Donc en résumé, l’aspirine a surtout un intérêt en prévention secondaire dans une population non chirurgicale. Etant donné que plusieurs études ont montré qu’elle augmentait un peu le saignement, mais pas de manière significative, il est recommandé de la maintenir en périopératoire, sauf dans certaines situations particulières. Cependant aucune étude de forte puissance avec un effectif de patient conséquent n’a évalué son intérêt sur la réduction de la mortalité, des infarctus des myocardes et des AVC en périopératoire.
L’étude POISE-2
C’est une étude parue dans le New England Journal of Medicine en Avril 2014 qui évaluait l’intérêt de l’aspirine en périopératoire sur le risque d’infarctus et la mortalité. Elle évaluait également en parallèle l’intérêt de la clonidine en périopératoire, mais j’en parlerai dans un autre article.
Le Design de l’étude
- Etude contrôlée, randomisée, double aveugle, multicentrique (23 pays), multicentrique (23 pays) Aspirine VS Placebo en périopératoire jusqu’à 30 jours
- 10 000 patients prévus pour une chirurgie non cardiaque (excepté neurochirurgie), avec des facteurs de risques cardiovasculaires
- Exclusion de patients ayant eu un stent nu dans les 6 semaines ou un stent actif dans l’année
- Stratification du groupe aspirine : Continuum stratum pour les patients sous aspirine au long cours et Initiation stratum pour les patients n’en ayant pas
- Continuum stratum : Arrêt aspirine 3 jours avant, puis Aspirine 200mg 2-4h avant chirurgie puis 100mg en postopératoire pendant 7 jours avant de reprendre leur posologie habituelle
- Initiation stratum : Aspirine 200mg 2-4h avant chirurgie puis 100mg en postopératoire pendant 30 jours.
- Critère de jugement principal : score composite décès-infarctus du myocarde non fatal.
Résultats
- AUCUNE DIFFERENCE sur le risque de décès ou d’infarctus du myocarde (7% VS 7.1%)
- AUCUNE DIFFERENCE sur le risque d’AVC
- AUGMENTATION du risque hémorragique, mais uniquement dans l’initation stratum (4.6% VS 3.5%)
- AUGMENTATION du risque d’Acute Kidney Injury nécessitant dialyse, mais uniquement dans le groupe continuum stratum (0.9% VS 0.4%)
Discussion
Le point faible de cette étude est qu’elle n’a inclut qu’une faible proportion de patients à risque cardiovasculaire élevé (33% ont des ATCD vasculaire, 23% sont coronariens et 5% ont un stent) et la majorité étaient en prévention primaire pour l’aspirine.
On peut donc dire que l’aspirine en périopératoire n’a pas montré d’effet sur la réduction de la mortalité et d’infarctus du myocarde, dans une population de patient à risque cardiovasculaire faible à modéré, qui ont de l’aspirine en prévention primaire.
Cette étude rejoint une autre, STRATAGEM, qui montrait également l’absence de bénéfice de la poursuite de l’aspirine sur une population de patient similaire. Cela rend peut être compte du fait que les infarctus du myocarde postopératoires sont dans plus de la moitié des cas liés à un déséquilibre de la balance énergétique du myocarde (tachycardie, hypoxie, anémie, baisse du débit cardiaque…) plutôt qu’à une rupture de plaque.
Pour les patients à très haut risque cardiovasculaire, avec un stent, il est toujours recommandé de poursuivre l’aspirine en périopératoire. En effet le registre RECO avait montré que les patients ayant un stent, avaient des complications cardiovasculaires dans 11% des cas, et que l’arrêt de l’aspirine pendant plus de 5 jours était le facteur de risque principal.
D’autre part, l’aspirine augmente le risque de saignement majeur mais uniquement si elle est introduite en préopératoire. Cette augmentation n’est pas retrouvée chez les patients en traitement chronique. Ce risque décroît de manière significative au bout du 8e jour postopératoire.
Par ailleurs on peut noter que les hémorragies majeures sont des facteurs de risque indépendants d’infarctus du myocarde.
Ces résultats pourraient nous inciter à arrêter l’aspirine chez tous nos patients. Cependant, cette étude n’est représentative que d’une certaine catégorie de patients. Les patients à très haut risque cardiovasculaires porteurs de stents sont sous-représentés et « noyés » dans l’étude par la quantité de patients à faible risque qui prennent l’aspirine en prévention primaire. On ne peut donc pas tirer de conclusion de cette étude pour les patients stentés. Il faut donc maintenir l’aspirine en périopératoire chez ces patients-là.
On retient aussi que l’aspirine augmente le risque d’hémorragies majeures si elle est débutée en préopératoire. On regrette cependant que les auteurs n’aient pas détaillé le risque hémorragique en fonction du type de chirurgie.
Finalement l’augmentation du risque d’insuffisance rénale chez les patients traités chroniquement par aspirine est peut-être la résultante d’un biais de sélection et que l’insuffisance rénale survienne chez des patients ayant une maladie réno-vasculaire préalable, qui ne puisse pas tolérer une inhibition des prostaglandines induite par l’aspirine.
Take Home Messages
- Le maintien de l’aspirine en périopératoire chez des patients à risque cardiovasculaire modéré ne réduit pas l’incidence de décès ou d’infarctus du myocarde
- L’aspirine débutée en préopératoire augmente de manière significative le risque d’hémorragies majeures
- L’aspirine prise de manière chronique augmente le risque d’insuffisance rénale
- Chez les patients à risque cardiovasculaire modéré ayant de l’aspirine en prévention primaire, il semble conseillé de l’arrêter au moins 3 jours avant.
- L’aspirine peut être réintroduite à partir du 8e jour postopératoire pour les patients l’ayant en prévention primaire.
- Chez les patients à très haut risque cardiovasculaire, porteurs de stents, il faut maintenir l’aspirine en périopératoire et reprendre la bithérapie le plus rapidement possible
Bibliographie
- Devereaux et al, Aspirin in patients undergoing noncardiac surgery. N Engl J Med 2014 ; 370 ; 1494-503
- Oscarsson A, Gupta A, Fredrikson M, Jarhult J, Nystrom M, Pettersson E, et al. To continue or discontinue aspirin in the perioperative period: a randomized, controlled clinical trial. Br J Anaesth; 104: 305-12
- Mantz J, Samama CM et al, STRATAGEM Trial, Br J Anaesth 2011 ; 107 ; 899-910
- Albaladejo P et al, Non-cardiac surgery in patients with coronary stents, the RECO study. Heart 2011 ; 97 ; 1566-72
- ATT Collaboration, Aspirin in the primary and secondary prevention of vascular disease: a collaborative meta-analysis of individual participants data from randomized trials. Lancet 2009 ; 373 ; 1849-60
- RFE SFAR 2006 : Gestion du traitement antiplaquettaire oral chez les patients porteurs d’endoprothèse coronaires
- Recommandations de bonne pratique sur le bon usage des antiplaquettaires, ANSM 2012
- Jeremy S. Paikin and John W.Eikelboom, Aspirin , Circulation 2012 ; 125
- Conférences d’Actualisation SFAR 2010 : Anciens et nouveaux antithrombotiques : perspectives pour l’anesthésiste, Albaladejo P, Rosencher N, Samama CM.
Je n’aime pas l’étude POISE-2.
Je n’aime pas le côté magic pill avec l’idée one size fits all. Je trouve que c’est une négation de l’intelligence médicale. Je ne comprend pas l’idée d’en donner à TOUT le monde et on verra bien…
200 mg d’aspirine en préop : wtf.
Quelles sont les chirurgies qui saignent ? On ne sait pas. L’intervalle de confiance flirte avec le 1 : 1,01 en borne basse… Ils cherchaient un truc à dire les mecs non ?
Je crois qu’il faut être prudent et ne pas « surinterpréter » ce papier. Moi je trouve qu’il n’apporte strictement rien à ma pratique clinique.
My 2 cents,
P.S. je n’ai pas vu tant que ça de patients ayant une inadéquation dépenses/apports myocardiques… je trouve qu’on voit surtout des patients très inflammatoires, qui saignent… qui a saigné thrombose, grand adage qui se vérifie souvent (TVP, EP, SCA…)
PPS la connexion via Twitter ne fonctionne pas… comme sur d’autres sites WordPress…
j’oubliais : si je vois un patient qui me parait à risque et qui n’a pas d’aspirine, je lui en commence, je n’attends même plus d’avis cardio. Je me suis déjà fait avoir et ça m’a bien agacé. ( ex découverte de Rao en préop, adressé au cardio pour validation diag et démarrage aspirine -> nada -> chirurgie ORL lourde -> IDM post-op -> #EpicFail)
Merci pour ton commentaire pertinent!
Oui, il est vrai que cet article n’apporte pas grand chose en soit. Il permet juste de dire que dans une population générale à risque CV modéré =, le maintien de l’aspirine ne sert à rien pour réduire le risque CV.
Concernant le risque de saignement, il était que significatif pour les patients qui commencaient l’aspirine en préop. Et en effet comme tu le fais très bien remarquer , l’intervalle de confiance est tout juste (moi j’avais pas fais attention)
De toute manière, plusieurs études ont déja montré que l’aspirine augmentait le saignement mais pas de manière significative et pas de manière importante ayant des conséquences sur la mortalité ou la transfusion.
Moi je me posais la question pour les patients qui en ont en prévention primaire ou ceux dont le médecin traitant à décidé d’en prescrire pour des raisons obscures. La on a des arguments pour l’arrêter (même si au final ca change pas grand chose)
Ce que j’aimerai bien éclaircir cependant, c’est ce résultat sur l’AKI…est-ce un vrai résultat ou uniquement une conséquence d’un biais de séléction quelconque?
Au contraire, je trouve ce papier extrêmement riche en enseignements qui peuvent être étendus à tous nos raisonnements.
Lorsqu’une molécule a des effets secondaires attendu liés à leurs mécanismes d’action, ses effets secondaires ONT NECESSAIREMENT un impact clinique chez certains malades. Le fait que la littérature montre l’inverse n’est que le résultat de biais méthodologiques ou d’astuces plus ou moins avouables. Par exemple, l’industrie est friande d’essais de non-infériorité où rentrent de nombreux malades hétérogènes, rendant le résultat NS alors que certains malades ont des effets indésirables ! Ici, on découvre donc qu’en inhibant la COX, on empêche la plaquette de fonctionner (ça saigne) et l’artériole efférente de se vasoconstricteur (quoi, vous aviez cru à ce compte de fait de « à dose antiaggréagante blabla blabla alors qu’à dose anti-inflammatoire blablabla ? à ce sujet je rappelle que thrombose et inflammation sont intimement liées).
J’insiste sur la dialyse, parce que ce n’est pas rien ! Ce un putain d’évènement indésirable, ça veut dire cathéter, réanimation, complication du cathéter (thrombose, hémorragie, infection) chez un malade qui ne peut pas souffrir tout ça. Et pour un malade dialysé, combien d’IRA gérée médicalement en réanimation ?
J’insiste aussi sur le saignement digestif, parce que c’est des patients qui finissent en réa aussi et que c’est des situations pas faciles à gérer et les patients se compliquent souvent. Ils se prennent plusieurs AG pour les fibro, les transfusions et leurs effets indésirables sous-estimés, l’anémie et l’hypotension sur des terrains fragiles, etc.
Ce type de démonstration clinique des effets indésirables nécessite de nombreux malades pour mettre l’effet indésirable en évidence, mais il existe. La littérature récente contient des wagons d’exemples :
– les hydroxyéthylamidons font de l’insuffisance rénale et tuent ! Le mécanisme est connu depuis des décennies, la preuve clinique a mis du temps à arriver
– l’étomidate et l’insuffisance surrénale aiguë, connu depuis des lustres, des décennies pour commencer à avoir des preuves pour le choc septique, ça arrivera pour le reste
– l’érythromycine allonge le QT mais qui s’en soucie et fait un ECG avant traitement ? de toute façon ça n’a pas d’impact clinique blablabla (jusqu’au BMJ 2014 soit plus d’un demi-siècle après l’identification de l’allongement du QT)
J’aime bien quand tu me mets un bon contrepoint, j’ai vraiment l’impression de ne pas perdre mon temps devant l’ordi dans ces cas là 🙂
Je trouve ta réflexion sur les EI très bonne. Le problème c’est qu’on a du mal à mettre l’imputabilité du médicament devant nos yeux. Un patient a une chirurgie qui peut saigner, il saigne, bon ok on n’est pas étonné… Les études servent à nous convaincre OK.
Bien d’accord avec toi sur la distinction inutile posologie différentes, effets différents. Je pense que l’effet antiinflammatoire de l’aspirine a un rôle majeur pour « limiter la déstabilisation de plaque friable -thin cap toussa- »
Pour la dialyse c’est vrai que ça pourrait me convaincre d’arrêter une aspirine mise en prévention primaire (avec un gros lever de sourcil quand on récolte les traitements en consultation), mais ça va être une situation très très très minoritaire. Et je vais avoir du mal à justifier ce genre d’ajustements au sein d’une grande équipe (tu sais comme moi que les habitudes ont la vie dure et que la coronaropathie est tapie au fond du malade prête à surgir pour emmerder l’anesthésiste #fear )
Ce qui m’énerve c’est juste que récolter un EI avec un médicament qui ne me parait pas indiqué du simple fait du bon sens (qui a ses limites, je sais), je trouve ça vraiment con. C’est comme les fantasmes des immortalistes qui voudraient conseiller de l’aspirine à tout le monde parce que c’est bon pour le coeur et peut-être certains cancers… Enorme pari pour lequelle la balance bénéfice risque est complètement foireuse.
Pour les HEA, c’est difficile parce que c’est insidieux. Le patient est dans une situation à risque d’IRA et c’est difficile de relier mentalement l’IRA à l’administration d’HEA (je te rassure, je pense ne pas avoir mis un V depuis 2 ans, et c’est à cause de la pression commerciale de FK quand j’étais CCA que je ne reçois plus la visite médicale)
Pour l’éto, je pense qu’on a fait le tour du sujet 😉
Pour le Qt ce sont des évènements tellement rares qu’on a effectivement du mal à ne pas prescrire à cause de ça… (juste je fais gaffe si amiodarone, hypoK -que je déteste et traque- etc) Mais je te rassure, j’ai une bonne check-list en cas de régurgitation sous NE avant de mettre des caisses d’érythro 🙂 cf http://www.nfkb0.com/2010/12/07/nutrition-artificielle/
Du coup j’ai relu le papier (juste méthode et résultats, et les supplementary data, hein, on ne lit jamais l’introduction, la conclusion et la discussion, c’est de la propagande qui obscurci le jugement) et je me permet de corriger un paragraphe du billet du maître de lieux.
Tu écris : « Finalement l’augmentation du risque d’insuffisance rénale chez les patients traités chroniquement par aspirine est peut-être la résultante d’un biais de sélection et que l’insuffisance rénale survienne chez des patients ayant une maladie réno-vasculaire préalable, qui ne puisse pas tolérer une inhibition des prostaglandines induite par l’aspirine. »
Ce n’est pas IRA mais dialyse (ce qui change beaucoup l’interprétation de se résultat car c’est un critère super dur).
Ce n’est pas « les patients traités chroniquement par aspirine » qui sont concernés mais bien tous les malades puisque le paragraphe résultat précise bien qu’il n’est pas retrouvé d’interaction sur la stratification maintien/introduction (contrairement aux AVC qui sont évités dans le groupe introduction).
Je ne vois pas bien où se situerait le biais de sélection du fait de la méthodologie.
Le résultat concerne : Acute Kidney Injury with receipt of dialysis = Insuffisance rénale avec nécessité de dialyse, ce qui est en effet plus dur qu’insuffisance rénale seule, mais je l’ai précisé dans ma partie résultats
Oui, cela concerne en effet la population générale mais c’est limite: p 0.05. Dans le supplementary data concernant l’analyse selon les strates, on retrouve un p =0.54 pour l’initiation stratum et un p=0.04 pour le continuation stratum , avec un p d’interaction = 0.28 donc non significatif ce qui veux dire que les strates ne s’influencent pas les une sur les autres et que le risque est bien augmenté dans le continuation stratum.
Je me suis focalisé sur le continuation stratum , en effet même si le p est limite significatif pour la population générale.
Ma question sur le biais c’est que les patients du groupe continuation sont traités chroniquement par l’aspirine = ils sont probablement artériopathes donc ont une sensibilité plus importante à l’alteration de leur perfusion rénale induite par l’aspirine, donc ils font plus d’insuffisance rénale que la population générale. Mais j’avoue c’est peut être un peu tiré par les cheveux!!
Merci pour la remarque 😉