Comment diagnostiquer et quantifier un épanchement pleural?
#1 L’échographie est plus performante que la radio pulmonaire pour faire le diagnostic d’épanchement pleural.
La radiographie pulmonaire de face ne permet de diagnostiquer des épanchements pleuraux qu’à partir de 200ml 1.
L’échographie pleurale est beaucoup plus performante que la radio pulmonaire.
Dans une étude chez des patients en SDRA ainsi que chez des volontaires sains, l’échographie pleurale était plus performante que la radio pulmonaire pour le diagnostic d’épanchement pleural, avec une sensibilité de 92% et une spécificité de 93% 2.

Qui plus est, l’échographie pleurale vous permet d’éviter une catastrophe.
On s’est tous déjà posé la question devant un poumon blanc sur une radio avec un abolition du murmure vésiculaire à l’auscultation….ca pourrait bien être un épanchement pleural important… j’y mettrai bien un gros drain dedans….
C’est là qu’on a la bonne idée de mettre un coup d’écho avant de drainer et de voir que ce n’était pas de l’épanchement, mais bien une atéléctasie complète du poumon!!!
Donc en cas de suspicion d’épanchement pleural sur une radio pulmonaire, munissez-vous de votre échographe pour confirmer le diagnostic.
#2 Faire le diagnostic et le signe de la colonne vertébrale
Le diagnostic d’épanchement pleural en échographie est assez simple. Il faut prendre une sonde basse fréquence (la sonde d’écho qui passe bien entre les côtes, ou à défaut, la sonde abdo) et la poser le long de la ligne axillaire postérieure en vue longitudinale, de sorte à voir le diaphragme.

La sonde est posé le long de la voie axillaire postérieure en coupe longitudinale (le repère vers le haut)
Il se repère facilement : c’est une ligne hyperéchogène (blanche). Sous cette ligne vous avez les organes abdominaux (foie à droite et rate à gauche, et on visualise parfois les reins) et de l’autre côté vous avez du poumon.

Le poumon est plein d’air et renvoie donc très mal les ultrasons. C’est pour ça que quand il n’y a pas d’épanchement on ne voit strictement rien à l’échographie pulmonaire. En augmentant la profondeur, on arrive à voir la colonne vertébrale du côté des organes abdominaux, car ils laissent passer les ultrasons, mais dès qu’on dépasse le diaphragme et qu’on remonte vers le poumon, vu que l’air bloque les ultrasons, la colonne vertébrale disparait derrière le poumon.
Cependant lorsqu’il y a de l’épanchement pleural, le liquide pleural qui est autour du poumon laisser passer les ultrasons et on peut voir la colonne vertébrale qui « traverse » le diaphragme. C’est le signe de la colonne vertébrale, le « spine sign ». Donc quand on voit la colonne vertébrale derrière le poumon, c’est qu’il y a du liquide qui laisse passer les ultrasons, donc il y a un épanchement pleural.

Bon quand la visualisation de l’épanchement est évidente, ce signe est inutile, mais il peut être utile lorsqu’on voit mal ou que l’épanchement a la même échogénicité que le foie/la rate, par exemple quand c’est de l’hémothorax. Il est donc difficile de dire si c’est de l’épanchement ou du poumon. C’est la que le signe de la colonne est utile = si on la voit derrière le poumon, c’est qu’il y a du liquide !
#3 L’échographie pleurale permet de quantifier le volume de l’épanchement.
Sur une radio des poumons c’est pas toujours évident de dire si l’épanchement est faible ou moyen. Tout dépend si le patient est assis, debout, allongé, si la radio est bien de face etc…
Avec l’échographie c’est bien plus facile.
Quantifier le volume de l’épanchement eu mililitre près n’est pas très utile, ce qu’on veut surtout savoir c’est si l’épanchement est drainable ou pas.
Il y a plusieurs méthodes de mesure, dont certaines font appel à de la géométrie dans l’espace3h(bon en fait pas vraiment, mais il faut faire plusieurs mesures, qui donnent un volume très précis mais c’est pas ce qu’on cherche), je vais plutôt vous parler des 2 plus simples et plus faciles.
A noter que pour ces 2 méthodes, l’évaluation échographique de l’épanchement nécessite que le patient soit en décubitus dorsal strict et que la sonde d’échographie soit placée le plus postérieurement possible, le long de la ligne axillaire postérieure.
a. La méthode Vignon4
Chez des patients de réanimation (intubés ou extubés) en décubitus dorsal strict, la mesure de la distance interpleurale maximale mesurée en vue transverse à la base du thorax est très bien corrélée au volume de l’épanchement.


Une distance interpleurale > 45mm en base droite (en fin d’expiration) et > 50 mm en base gauche permettaient de prédire un volume ≥ 800ml avec une sensibilité de 94% (pour le côté droit) 100% pour le côté gauche et une spécificité de 76% (côté droit) et 67% (côté gauche). L’aire sous la courbe était meilleure pour les mesures faites du côté droit que pour celles du côté gauche.
Pourquoi cette différence selon le côté? Les auteurs pensent que c’est lié à la présence du coeur dans l’hémithorax gauche qui de part son volume variable selon les patients, modifie la répartition du liquide et ainsi l’appréciation de son volume.
A noter que la mesure se faisait de manière très postérieure, le plus loin dans le dos du patient sans avoir à surélever l’hémithorax. De plus il fallait s’assurer de positionner la sonde bien perpendiculairement au thorax pour éviter de surestimer l’épanchement en béquant la sonde.
Cette méthode est bien, mais elle n’est pas toujours d’une grande aide, car pour des épanchements de cette taille là, ca se voit souvent à l’oeil nu sans avoir besoin de mesurer. A savoir que dans cette étude, ils n’ont évalué que les épanchements pleuraux qui étaient drainables selon leurs critères = Distance interpleurale > 25mm (qui correspond à peu près à 500ml de liquide)
b. La méthode Balik5
Cette fois-ci l’étude était faite uniquement sur des patients intubés. La mesure était la même = distance interpleurale maximale en vue transverse en fin d’expiration le long de la ligne axillaire postérieure chez des patients en décubitus dorsal avec un proclive de 15°.
Ici encore, la distance interpleurale était fortement corrélée au volume de l’épanchement et on peut estimer le volume de l’épanchement en utilisant cette formule
Volume (mL) = Distance interpleurale (mm) x 20
Imaginons alors que je retrouve une distance interpleurale maximale de 25 mm chez mon patients. Je peux alors estimer que le volume de son épanchement pleural doit être d’approximativement : 25 x 20 = 500mL.
Il y a tout de même certaines limites à l’estimation du volume par l’échographie.
Tout d’abord ce n’est pas valable pour les épanchements cloisonnés, ce qui est logique.
Ensuite, le volume apparent de l’épanchement estimé en échographie peut varier grandement selon la taille de la cavité thoracique (et donc du patient). Chez des patients avec de grandes cages thoraciques, l’épanchement est réparti sur une plus grande surface que dans une cage thoracique plus petite et apparaitra donc plus faible. C’est la même chose pour la position du patient. Le liquide suit la gravité, donc l’appréciation de son volume ne sera pas la même si le patient est allongé, assis, demi-assis etc….
Dans les 2 méthodes citées, l’appréciation du volume se fait en décubitus dorsal strict (ou avec un proclive de 15° pour la Méthode Balik). Or lorsqu’on draine un épanchement on met le patient demi-assis. Je pense qu’une fois qu’on a estimé le volume en décubitus dorsal strict, il est raisonnable de le réévaluer en position demi-assise pour voir si on a la place pour mettre le drain. Si vous avez une distance interpleurale ≥ 20mm après avoir installé le patient, c’est une marge suffisante pour mettre une aiguille ou un trocart. Il faudra repérer l’endroit ou la marge est la plus confortable et éliminer un épanchement cloisonné ou des brides.
#4 Connaître la nature de l’épanchement et le signe du plancton.
Avec l’échographie pleurale on peut aussi deviner la nature de l’épanchement (ce qui est difficile à faire avec la radio).
Si c’est anéchogène c’est du transsudat mais ca peut aussi être de l’exsudat (empyème, hémothorax etc…)
Par contre si c’est hypoéchogène et hétérogène avec des petites zones hyperéchogènes qui flottent comme du plancton, c’est très probablement de l’hémothorax ou de l’empyème.
Savoir à l’avance la nature de l’épanchement est utile pour choisir le type de drainage = mettre un petit drain qui va se boucher ou un gros. Ca permet aussi d’anticiper les prélèvements bactério si on pense à un empyème ou une pleuropneumopathie.
L’autre gros avantage de l’écho est aussi de repérer les éventuelles brides ou septas dans les cas d’épanchements cloisonnés qui feront préférer un drainage sous scan.
Take Home Messages
- Pour diagnostiquer un épanchement pleural : sonde en vue longitudinale
- Pour évaluer la taille d’un épanchement pleurale : sonde en vue transversale , avec patient en décubitus dorsal strict : mesurer la distance interpleurale maximale
- Distance interpleurale ≥ 45 mm en base droite ou ≥ 50 mm en base gauche = volume ≥ 800ml
- Distance interpleurale ≥ 25 mm = épanchement au moins de moyenne abondance, drainable
- Volume = Distance interpleurale x 20
- Lorsqu’on voit mal –> chercher le signe de la colonne vertébrale
1 réponse
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