Echo Coeur: Evaluer un épanchement péricardique
Le péricarde est une enveloppe fibreuse qui entoure le coeur. Du fait de sa faible distensibilité (qui est l’une de ses propriétés fondamentales pour permettre une fonctionnement optimal de la pompe cardiaque) , l’accumulation de liquide dans le péricarde peut rapidement avoir un retentissement sur le fonctionnement du coeur, c’est la tamponnade. Elle altère la fonction diastolique en gênant le remplissage = gêne de la précharge ventriculaire, aboutissant à une insuffisance circulatoire de type choc cardiotonique obstructif.
Classiquement elle était définit par la triade de Beck : Turgescence jugulaire + Hypotension artérielle + assourdissement des bruits du coeur.
En réanimation ces signes sont souvent pris à défaut: Les bruits du coeur sont souvent assourdis et la turgescence jugulaire est fréquente (ventilation contrôlée en pression positive) , l’hypotension artérielle peut avoir d’autres causes (hémorragie, sepsis, sédation profonde etc…)
Il est donc important de savoir évaluer un épanchement péricardique ainsi que son retentissement à l’aide de l’échographe. Cependant, le diagnostic de tamponnade reste CLINIQUE, basé sur la tolérance clinique.
Je ne parlerai pas ici ni de l’étiologie, ni des signes cliniques, ni de la stratégie thérapeutique. Je traite uniquement du diagnostic échographique.
Disclaimer: Il est bien entendu évident que devant toute tamponnade/épanchement péricardique , un avis cardiologique DOIT être demandé. Ici je vous montre comment évaluer par vous même un épanchement péricardique, mais c’est le cardiologue qui vous dira s’il faut drainer ou pas (sauf situations caricaturales ou évidentes).
Diagnostic de l’épanchement péricardique
- Localiser l’épanchement
Chez un patient en décubitus dorsal, un épanchement non cloisonné sera d’abord visible dans les zones déclives :
– Incidence sous-costale : en avant de la paroi postérieure du VD
– Incidence parasternale grand axe : en arrière de la paroi postérieure du VG
Puis l’extension se fait vers la paroi latérale des ventricules, puis en avant du VD, puis en arrière des oreillettes ou il devient alors circonférentiel.
A noter que ces localisations peuvent être prises à défaut en cas de cloisonnement de l’épanchement (péricardite purulente, contexte postop de chirurgie cardiaque, épanchement traumatique)
- Quantification de l’épanchement
Comme on va le voir, la quantification de l’épanchement est d’une part peu fiable et aussi peu utile, car c’est le retentissement clinique qui va déterminer l’urgence de la situation.
En revanche, il est utile de le mesure pour apprécier son évolutivité. Il faut toujours le mesurer en DIASTOLE et toujours au même endroit. On peut utiliser le mode TM pour mesurer son diamètre:
- Epanchement modéré (< 10 mm )
- Epanchement moyen (10-20mm)
- Epanchement abondant (>20mm)
Evaluation du retentissement
- Vitesse de constitution >>>> que volume de l’épanchement = Evaluation clinique!
C’est bien plus la vitesse de constitution de l’épanchement, que son volume qui va déterminer le retentissement hémodynamique de celui-ci. Un épanchement de 500-1000mL peut être très bien toléré s’il se constitue lentement. A l’inverse un épanchement minime ou non circonférentiel peut être très mal toléré.
- Les éléments à rechercher
Vous l’avez bien compris, l’épanchement péricardique va gêner le remplissage des ventricules, car en diastole la pression dans le péricarde devient supérieure à la pression dans les ventricules.
– Collapsus télédiastolique de l’Oreillette droite (coupe sous-costale): c’est un signe précoce et sensible de « pré-tamponnade ».La paroi libre de l’OD s’invagine vers le septum interatrial à chaque diastole. Il faut mesurer la durée du collapsus pendant la diastole : si le collapsus > 1/3 de la durée de la diastole = signe de mauvaise tolérance hémodynamique. Par contre un collapsus intermittent (en télédiastole) et isolé de l’OD ne témoigne pas d’une gêne importante au retour veineux.
– Collapsus proto-mésodiastolique du Ventricule Droit (coupe 4 cavités ou sous costale): c’est un signe plus tardif, moins sensible mais plus spécifique que le collapsus télédiastolique de l’OD. Ici le VD est comprimé pendant toute la durée de la diastole = c’est une tamponnade (d’autant plus sévère que le collapsus est prolongé pendant la diastole). La compression des cavités droites peut aussi être observée en coupe apicale 4 cavités.
– Aspect de « Swinging Heart »: quand l’épanchement est circonférentiel et majeur, le coeur flotte carrément dans l’épanchement et n’est plus retenu que par les vaisseaux. On observe alors une sorte de « danse du coeur » qui se ballade de gauche à droite. Nul besoin de vous préciser que c’est pas très bon signe et qu’il faut l’évacuer en extrême urgence!! dans la vidéo ci-dessous, on en a un très bel exemple vers la fin de la vidéo
– Le septum paradoxal (coupe parasternale petit axe ou sous-costale/4 cavités): le septum interventriculaire bombe vers la cavité ventriculaire gauche pendant l’inspiration et vers celle du VD pendant l’expiration (patient en VS). En effet à l’inspiration il y a une augmentation du retour veineux qui va dilater le VD, qui va lui même gêné l’éjection du VG en le comprimant (PTDVD > PTDVG) . C’est la traduction échographique (septum paradoxal) et physiopathologique du pouls paradoxal.
– Dilatation de la Veine Cave Inférieure avec diminution de son collapsus inspiratoire (coupe sous costale): Ce signe est valable uniquement chez le patient en VS, car chez le patient en ventilation contrôlée en pression positive, il peut être pris à défaut. On voit alors un collapsus < 50% de la VCI,ce qui signe, chez le patient en VS, une élévation des pressions de l’OD.
– Augmentation des variations respiratoires des vitesses Doppler tricuspides et mitrales = Vmax de l’onde E (coupe 4 cavités): Ce signe est uniquement valable chez un patient en ventilation spontanée. De manière physiologique, les vitesses Doppler transtricuspides augmentent à l’inspiration ( + 25%), alors que les vitesses transmitrales diminuent (- 10 à 15%). C’est logique , car inspiration = augmentation du RV donc augmentation des flux dans les cavités droites. En présence d’une tamponnade, ces variations respiratoires sont nettement accentuées : + 80 % pour les vitesses doppler transtricuspides et – 40% pour les vitesses doppler transmitrales.
Ca marche aussi avec les vitesses doppler du flux sous-aortique qui normalement est réduit de 5% max à l’inspiration, en cas de tamponnade, sa réduction peut aller jusqu’à 25%.
En analysant les flux transmitraux et transaortique chez le patient en VS, on a une tamponnade si :
- Variation pic de l’onde E mitral > 30 %
- Variation ITVsAo > 20%
– Inversion de la courbure de la paroi libre du VG (coupe 4 cavités et petit axe). En cas d’épanchement cloisonné (pus, sang/caillot), les cavités droites peuvent ne pas être comprimées. Il faut alors rechercher une compression sur le VG avec une inversion de la courbure de la paroi libre du VG. Même si elle est très localisée et brève en diastole, elle peut être le seul témoin d’une tamponnade.
Les pièges à éviter
- Confondre un épanchement péricardique avec un épanchement pleural gauche.
En coube parasternale grand axe, il est parfois difficile de faire la différence entre un épanchement pleural gauche et un épanchement péricardique. Normalement un épanchement pleural gauche englobe l’aorte thoracique descendante, alors qu’un épanchement péricardique s’interpose entre le coeur et l’aorte descendante. Il est toute de même parfois difficile de visualiser l’aorte descendante et de faire la différence.
En cas de présence d’un épanchement péricardique ET d’un épanchement pleural dans un contexte de tamponnade, le drainage isolé de l’épanchement PLEURAL peut suffire à lever les signes de compressions.
En présence d’un épanchement péricardique, il faut : 1) multiplier les plans de coupes pour vérifier sa persistance 2) faire une écho pleurale pour rechercher un épanchement pleural gauche

LV = Ventricule Gauche ; LA = Oreillette Gauche ; MV = Valve mitrale On voit bien la différence entre l’épanchement pleural, qui est en dehors de l’aorte descendante et l’épanchement péricardique qui est au même niveau.
- Mesurer l’épanchement péricardique en systole
Un décollement péricardique uniquement pendant la systole est physiologique. En effet le péricarde contient quelques millilitres de liquide, prenant parfois l’aspect d’un épanchement en systole. Il disparait en diastole. C’est pour ça qu’il faut toujours rechercher et mesurer un épanchement péricardique en DIASTOLE.
- Confondre les franges graisseuses avec un épanchement péricardique.
Normalement un épanchement péricardique est un espace vide d’écho (anéchogène = noir). Lorsqu’il y a des franges graisseuses, on a l’impression de voir un épanchement, mais cet espace n’est pas vide d’écho (il est hypo ou hyperéchogène), ce n’est pas un épanchement!!
Cas particuliers
- Après chirurgie cardiaque
Un épanchement péricardique est fréquent (66% des patients à 1 semaine), le plus souvent après un pontage qu’après un remplacement valvulaire. Une tamponnade tardive est exceptionnelle en cas d’épanchement < 10 mm de diamètre. Si par contre son diamètre est plus important, il faudra le surveiller régulièrement.
D’autre part, une insuffisance circulatoire en postopératoire de chirurgie cardiaque peut être la conséquence d’une compression auriculaire par un épanchement ou un caillot. Il faut donc la rechercher par ETT et si besoin par ETO. Ca peut également être une tamponnade extrapéricardique par un hématome rétro-auriculaire en dehors du sac péricardique. La compression se situe le plus souvent au niveau de la paroi latérale et antérieure du bord libre de l’OD.
Enfin, il ne faut pas non plus exclure un hématome rétrosternal (et donc extrapéricardique) qui comprime le VD.
- Infarctus du myocarde
Un épanchement est associé à environ 7% des IDM, surtout en cas de nécrose étendue
- Dissection aortique
En cas de dissection aortique, la présence d’un épanchement péricardique est un signe de gravité. D’autre part , dans un contexte de douleur thoracique, la présence d’un épanchement péricardique doit faire rechercher une dissection aortique.
- Traumatisme
J’ai déjà parlé ci-dessus de l’hématome rétrosternal. On peut aussi avoir un hémopéricarde, qui est peu abondant, mais du fait de sa survenue rapide va entrainer un retentissement hémodynamique important. Par ailleurs on peut avoir un hématome compressif, pas forcément au niveau des cavités droites.
Take Home Messages
- Le diagnostic de tamponnade et l’évaluation du retentissement d’un épanchement péricardique est surtout CLINIQUE!!
- C’est surtout la VITESSE de constitution de l’épanchement qui va déterminer son retentissement, plutôt que son volume
- Collapsus télédiastolique de l’OD –> Collapsus proto-mésodiastolique du VD –> Septum paradoxal . Plus le collapsus dure longtemps pendant la diastole, plus c’est grave.
- EVITER LES PIEGES: multiplier les coupes échographies et éliminer un épanchement pleural gauche.
- Rechercher et mesurer l’épanchement uniquement en DIASTOLE!!
- En ventilation mécanique, l’évaluation du retentissement est plus délicate et uniquement morphologique (compressions des cavités), car les signes doppler sont uniquement valides en ventilation spontanée.
- En l’absence de compression des cavités droites avec un contexte évocateur (trauma, postop de chir cardiaque) = rechercher une compression localisée au VG ou un hématome rétrosternal
- Appeler un Cardiologue en cas de doute!! C’est sa spécialité, sauf situations caricaturales il vous donnera son opinion et l’attitude à avoir (drainage ou pas).
Bibliographie
Trouver l’épanchement n’est pas compliqué, mais évaluer son retentissement c’est une toute autre histoire. Ne pas hésiter à demander l’avis de nos amis cardiologues !