La Gazette du Gazier : Décembre 2014
Voici la première édition de la rubrique La Gazette du Gazier. Je regroupe dans cet article tous les articles parus chaque mois dans les grands journaux traitant d’anesthésie et de réanimation, qui m’ont intéressés. Pour la plupart j’ai accès à l’article complet , certaines revues me sont « interdites » et je n’ai accès qu’aux abstracts, mais je m’y intéresse tout de même.
Je n’ai pas la prétention de vous faire une lecture critique d’article. Je vous résume ici simplement les articles en quelques points, pour ceux qui n’ont pas le temps de tout lire ou pour ceux qui ont horreur de la langue de Shakespeare!! J’ajoute de temps en temps mes propres commentaires et certaines remarques qui me viennent à l’esprit.
Je vous ai mis les liens pour chaque article (cliquez sur les titres bleus), afin que vous puissiez vous faire une opinion vous-même. Si vous trouvez d’autres articles intéréssants ou que vous voulez faire un commentaire, contactez moi ou écrivez un commentaire ci-dessous!
J’espère que cette rubrique vous intéressera et vous sera utile.
Le Gazier.
British Journal of Anaesthesia
Première étude randomisée controlée multicentrique évaluant Halogénés VS TIVA en chirurgie cardiaque
- Etude randomisée contrôlée, multicentrique en chirurgie cardiaque ( chirurgie de remplacement valvulaire et de pontage)
- 200 patients : groupe TIVA avec propofol VS groupe halogénés avec sevoflurane
- Pas de différence sur un score composite (décès et hospitalisation en réa prolongée) , ni sur l’augmentation de la troponine postopératoire, ni sur les re-hospitalisations et les complications cardiaques jusqu’à 1 an en postopératoire
- Limitations: pas d’aveugle pour l’anesthésiste au bloc opératoire, incidence du critère principal trop importante par rapport aux autres études
La morbidité postopératoire augmente le risque de décès jusqu’à 3 ans en postopératoire
- Etude de cohorte observationelle
- 1362 patients opérés d’une chirurgie majeure avec un suivi médian sur 6.5 an
- Morbidité neurologique ( 2.9% de prévalence) était associée à une augmentation de la mortalité
- La prolongation de la morbidité postopératoire est associée à une augmentation de la mortalité jusqu’à 3 ans en postopératoire (après elle devient non significative)
Méta-analyse sur les facteurs de risques prédictifs de douleur chronique après PTG
- Méta-analyse et revue systématique sur 32 études = 30 000 patients
- Etudes prospective et rétrospective sur patients opérés d’une PTG avec évaluation de la douleur au moins 3 mois après.
- En analyse multivariée les facteurs de risques identifiés = douleur préopératoire et catastrophisme
- En analyse univariée , en plus des deux facteurs de risques ci-dessus: depression et « autres » douleurs sur un site différent
Incidence du délirium en SSPI après Anesthésie Générale : une étude prospective observationelle
- Etude prospective observationnelle sur 1 an
- 400 patients ASA 1-4 opérés d’une chirurgie non cardiaque élective sous AG par halogénés
- Evaluation de l’état de sédation/agitation selon le score RASS et évaluation du delirium selon le CAM-ICU effectués par une infirmière entrainée à 30min , 1h et à la sortie de la SSPI
- Reveil agité chez 75 patients (19%) , dont 60% étaient aussi positifs sur le CAM-ICU (echelle de delirium)
- 124 patients (31%) avaient des signes de délirium à l’admission en SSPI dont 56% étaient « hypoactifs » selon le score RASS
- En analyse mutlivariée , la dose totale périopératoire de morphinique était un facteur de risque indépendant de délirium en SSPI : association non linéaire avec plateau à partir de 375 µg d’équivalent fentanyl
- Etude observationnelle prospective sur les polytraumatisés prise en charge par les équipes préhospitalières londoniennes sur 1 an
- 472 patients polytraumatisés nécessitant une prise en charge des VAS en préhospitalier. Parmi ceux la chez 469 patients l’équipe de paramedics était arrivée en premier sur les lieux (avant l’arrivée du renfort parmi lequel était présent un médecin)
- Chez 269 patients (57%), les VAS n’étaient pas sécurisées à l’arrivée du renfort
- Pour les paramedics le taux de réussite d’intubation était de 64% avec 11% d’intubation oesophagienne non reconnue
- Pour l’équipe de renfort medecins-paramedics, toutes les sécurisations de VAS étaient réussies.
- Limitation : la durée d’arrivée de l’équipe de renfort était variable + analyse probablement subjective étant donné que c’est l’équipe de renfort qui remplissait un questionnaire sur la gestion des VAS avant et après leur arrivée.
Meta-analyse évaluant trachéotomie précoce (< 10 jours) VS tardive (>10 jours)
- Méta-analyse et revue systématique sur 14 études = 2406 patients évaluant trachéo précoce (<10jours) VS trachéo tardive (>10jours)
- Pas de différence sur la mortalité, la durée de ventilation, la durée d’hospitalisation en réanimation et l’incidence de PAVM
- Différence sur la durée de sédation, plus courte dans le groupe trachéo précoce
- Possibles limitations: les études sont hétérogenes , souvent unicentrique et de faible puissance. Différents protocoles de sédation parmi les études. Différentes définitions de PAVM dans les études.
Méta-analyse sur l’intérêt de l’association Morphine + Tramadol en postopératoire
- 14 études = 713 patients
- Epargne morphinique de 7mg en moyenne mais SANS réduction des effets secondaires morphiniques
- Pas de différence significative sur les scores de douleurs à 24 h ( -1 sur echelle EVA /10)
New England Journal of Medicine
Quelle durée de bi-antiagrégation plaquettaire après pose de stent actif?
- Etude controlée randomisée sur 9961 patients bénéficiants d’une pose de stent actif
- Après 12 mois de bi-antiagrégation thienopyridine + aspirine : soit maintien bi-antiagrégation pendant 18 mois ou aspirine seule pendant 18 mois
- Dans le groupe avec maintien de la bi-antiagragation : réduction de l’incidence de thrombose intra-stent (0.4% VS 1.4%), réduction des complications cardiaques majeures et des AVC (4.3% VS 5.9%), diminution de l’incidence d’infarctus du myocarde (2.1% VS 4.1%)
- Augmentation du risque de saignement sévère dans le groupe avec maintien de la bi-antiagrégation (2,5% VS 1,6%)
- Dans les 2 groupes, augmentation du risque d’infarctus et de thrombose intra-stent dans les 3 mois suivant l’arrêt de la thiénopyridine.
- Limitation: seuls les patients sans complications cardiovasculaires ou cérébrales, ni infarctus ou saignement majeur dans la première année ont été randomisés.
JAMA
Quel est le risque d’hémorragie intracranienne avec les nouveaux anticoagulants oraux?
- Revue systématique sur 6 études = 57 491 patients , évaluant le risque d’hémorragie intracérébrale avec les NACO VS d’autres anticoagulants ( type warfarine)
- Les NACOs actuels réduisent le risque d’hémorragie intracérébrale avec un OR = 0.49 (0.36-0.75) VS comparateurs
- Revue systématique sur 65 articles (tous modèles confondus) traitant de metformine + insuffisance rénale + acidose lactique
- Incidence d’acidose lactique = 3-10/100 000 patients = quasiment la même que dans la population générale de patients diabétiques de type 2
- Même si la clairance de la metformine est rénale, les concentrations sanguines restent en zone thérapeutique chez les patients avec une clairance entre 30-60ml/min sans augmentation significative de la lactatémie
- Aucune étude randomisée n’existe sur la sécurité d’utilisation de la metformine chez les patients insuffisants rénaux
- Peu de data sur le risque d’acidose lactique chez les insuffisants rénaux traités par metformine
- Intérêt : plusieurs indications permettent de supposer que la metformine peut être prescrite chez des diabétiques insuffisants rénaux, cela nécessiterai des études cliniques controlées randomisées.
Anesthesia & Analgesia
- Chez les patients en VS en peropératoire, l’analyse de l’amplitude des variations du PVI peut donner une indication sur l’obstruction des VAS. Les variations du PVI sont alors plus importantes ( 25%-39%) que celles normalement retenues pour la réponse au remplissage chez les patients ventilés mécaniquement (9.5%-15%)
69% des épisodes hypoxémiques > 2min ont lieu >30min après l’arrivée en SSPI en postopératoire
- Etude prospective observationnelle sur 137 757 patients de SSPI en analysant la valeur de Sp02 toutes les 30-60 secondes
- Episodes hypoxémiques = Sp02<90% pendant > 2min
- 68.8% des épisodes hypoxémiques ont lieu > 30 min après l’arrivée en SSPI et >50% des intubations en SSPI ont lieu >30min après l’arrivée du patient
- Reflexion sur la surveillance en SSPI, ce n’est pas parceque le patient est reveillé qu’il est hors de danger
- Limitations: valeurs de Sp02 = gros biais lié à l’acquisition de la valeur ( courbe de Sp02 pas fiable etc…)??
Méta-analyse sur l’intérêt des techniques de suggestion et d’hypnose au bloc opératoire
- Méta-analyse sur 26 études mesurant l’anxiété postop, la douleur, la consommation antalgique et la nausée
- Les interventions suggestives réduisent l’anxiété postop et la douleur postop sans réduire la consommation d’antalgique ni l’incidence des nausées.
- La réduction des douleurs postop semble être surtout significative pour les chirurgies mineures.
European Journal of Anesthesiology
- Etude controlée randomisée en double aveugle sur 54 femmes opérées d’une chirurgie du sein, sédatées par midazolam + propofol
- Groupe Ketamine: bolus 0.5mg/kg puis 1.5µg/kg/min IVSE VS Groupe Placebo
- Diminution de l’incidence d’hypoventilation, de manoeuvre de ventilation manuelle pour avoir Sp02 >95% et de temps passé avec une capno >50mmHg dans le groupe Ketamine
Lancet
- Méta-analyse sur 18 254 patients inclus dans 10 études évaluant les béta-bloquants dans l’insuffisance cardiaque avec réduction de la fraction d’éjection
- Parmi ces patients 3066 (17%) étaient en ACFA à l’inclusion.
- La mortalité sur 1,5 an était de 16% pour les patients en rythme sinusal et 21 % pour les patients en ACFA
- L’introduction du traitement par béta-bloquant permettait une réduction significative de la mortalité dans le groupe « rythme sinusal » mais pas dans le groupe « ACFA », même après appariement sur l’âge , le sexe , la fraction d’éjection, le statut NYHA, la fréquence cardiaque et le traitement de base
- MAIS le traitement par béta-bloquant n’augmentait pas la mortalité ni le taux d’hospitalisation chez les patients avec ACFA. Donc on peut prescrire des béta bloquants chez ces patients là, s’ils ont une autre indication au traitement bétabloquant que celle de l’insuffisance cardiaque
Anesthesiology
Comment améliorer la prise en charge des patients âgés victime d’une fracture du col du fémur?
- Etude sur des souris en simulant des lésions hépatiques d’ischémie-reperfusion en clampant le lobe gauche du foie pendant 45 min puis en reperfusant pendant 24h soit en situation normoxique (Fi02 21%) ou en situation hyperoxique (Fi02 60%)
- Ensuite analyse des lésions ischémiques et oxydatives: significativement plus importantes dans le groupe Fi02 60% avec augmentation significative de la cytolyse
- Malgé que ca soit une étude sur les souris, cette étude nous fait réfléchir sur le fait que l’oxygène est un médicament comme les autres, et que l’oxygenotherapie doit donc être appliquée et prescrite avec la même prudence et réflexion que toutes les autres thérapies ( réflexion similaire pour l’hydratation et le remplissage )
Intérêt du bloc sciatique proximal et distal VS Placebo dans le contrôle de la douleur après PTG
- Etude prospective randomisée en double aveugle
- 60 patients prévus pour une PTG sous rachianesthésie + cathéter fémoral analgésique ; 53 patients randomisés
- Randomisation en bloc sciatique subglutéal, poplité ou pas de bloc sciatique et analyse de la douleur au niveau de la face antérieure du genou à 2,4,6,8,12 et 24h postop
- Réduction significative de la douleur d’intensité modérée-sévère dans les groupes avec bloc sciatique VS groupe placebo
- La technique de bloc sciatique poplité était plus rapide, nécéssitait moins de « redirection » d’aiguille et était la moins désagréable
- La dose totale de morphine et l’incidence des nausées-vomissements étaient réduite dans les groupes avec bloc sciatique
- Il n’y avais pas de différence en terme de douleur au repos et à la mobilisation entre le bloc sciatique subglutéal et le bloc sciatique poplité.
- On peut donc conclure que le bloc sciatique au niveau poplité est le plus efficace et le moins désagréable pour controler la douleur en postop de PTG en plus du cathéter fémoral et de l’analgésie multimodale
- Limitation: Appliquabilité aux interventions sous AG? Aux blocs sous neurostim uniquement? Difficulté de discrimination de la douleur sur face antérieure VS face postérieure du genou pour les patients
Gestion périopératoire des patients victimes de fracture du col du fémur
Critical Care Medicine
- Etude observationnelle prospective sur 191 patients cirrhotiques avec saignement gastro-intestinal, hospitalisés en réanimation
- 29.9% de ces patients avaient une insuffisance surrénalienne à l’admission.
- L’insuffisance surrénalienne est un facteur de risque indépendant d’échec du traitement hémostatique à 5 jours , mais n’est pas un facteur de risque indépendant de mortalité à 6 semaines. Cependant elle peut influencer les autres facteurs de risques indépendants de mortalité dans cette pathologie que sont l’état de choc, l’infection bactérienne et la sévérité de la cirrhose
- Les mécanismes de l’insuffisance surrénalienne dans la cirrhose ne sont pas idientifiés, ils sont probablement multifactoriel. De manière inattendue, la numération de plaquettes permet de prédire de manière indépendant le risque d’insuffisance surrénalienne (probablement une combination d’HTP et d’inflammation)
- La dexaméthasone peut avoir donc un interêt dans ce cas de figure d’autant plus que les auteurs ont montré qu’elle augmentait la réponse hémodynamique à la glypressine chez des rats insuffisants surrénaliens.
- Etude de cohorte observationnelle sur 32 hôpitaux canadiens sur 747 patients victimes d’ACR extra-hospitaliers traités par hypothermie thérapeutique (ou target temperature managment = le terme qu’il faudrait employer maintenant…) (parmi 5770 ACR extrahospitaliers) . Elle ne concerne QUE les patients ayant bénéficiés de l’hypothermie thérapeutique
- Parmi ceux là 49.5% sont sortis de l’hopital et 35.7% avaient un bon pronostic neurologique.
- Une température initiale plus élevée avant refroidissement et un refroidissement plus lent étaient associés à une augmentation du pronostic neurologique et de la survie jusqu’à la sortie de l’hopital.
- Limitations : on ne sait pas comment ils ont induit l’hypothermie, si la technique était semblable dans toutes les équipes, on ne connait pas le délai d’induction de l’hypothermie . Par ailleurs ils semblent avoir induit l’hypothermie soit à l’arrivée aux urgences ou en réanimation et non préhospitalier. Le taux de survie me semble élevé (je ne connais pas le pourcentage habituel de survie après ACR extra-hospitalier mis sous hypothermie thérapeutique) .
Cette rubrique est super ! Quel boulot ! Un blog ne pourrait être « que » ça que ça serait déjà énorme !
J’avais vu certains trucs mais j’en ai loupé d’autres (et pourtant j’en mange au petit déjeuner du TOC et du flux RSS), je suis surtout super content de ce papier sur le tramadol, cette association m’a toujours destabilisé (je lutte un peu contre par croyance mais là j’ai un peu plus de biscuit)
sur l’article du nejm sur la durée de la bithérapie d’antiagrégants plaquettaires , on peut relever également que les auteurs ont mélangés plavix/efient/types de stent….
On s’oriente très probablement vers une prescription à la carte mais cette article va à l’encontre des différentes prises de position dont celles de l’european society qui acceptait de réduire la durée de la bithérapie à 6 mois dans le cadre de l’angioplastie programmée avec stent actif.
En tout cas , un grand merci pour cette rubrique !
Merci pour ta remarque! En effet ils ont inclus des patients traités par clopidogrel ou prasugrel ( 2/3 clopidogrel ; 1/3 prasugrel a peu pres) et plusieurs types de stents actifs (la par contre je ne m’y connais pas, entre l’everolimus, le paclitaxel, le sirolimus….)
Je ne connaissais pas l’état actuel des connaissances sur ce sujet, avant la sortie de cet article. En effet ils vont à l’encontre de ce qu’il se dit actuellement.
Ta dernière remarque est très intéressante: après avoir trouvé une attitude thérapeutique consensuelle pour la plupart des problèmes rencontrés en médecine, j’ai l’impression que maintenant « la mode » est à la prescription à la carte, à l’adaptation du traitement au patient de manière individuelle. Je le remarque dans plusieurs domaines, on est plus dans « le dogme » : ce patient a telle maladie / tel problème, il doit avoir tel traitement.comme tous les autres. Maintenant on adapte vraiment le traitement en fonction du patient.et de ses caractéristiques.