La Gazette du Gazier : Octobre 2015
La Gazette du Gazier Octobre 2015 avec un peu de retard!
Bonne Lecture.
Le préconditionnement ischémique en chirurgie cardiaque: la RIPheart Study et l’ERICCA Trial. N Eng J Med
L’Oscar du mois reviens à 2 belles études (la RIPheart study et le ERICCA Trial) du NEJM sur le préconditionnement ischémique en chirurgie cardiaque. Ces 2 études avaient un design similaire: étude multicentrique prospective contrôlée randomisée en double aveugle ayant inclus 1600 patients (ERICCA Trial) pour l’une et 1400 patients (RIPheart Study) dans l’autre, qui étaient prévus pour une chirurgie cardiaque élective (majoritairement des pontages +/- remplacement valvulaire sous CEC). Les patients étaient randomisés en 2 groupes: groupe préconditionnement ou après l’induction les patients bénéficiaient d’un préconditionnement ischémique par 4 cycles de 5min de gonflage puis dégonflage de brassard ; et un groupe contrôle ou on réalisait une fausse manoeuvre de préconditionnement (soit sur un bras de mannequin caché, soit en laissant la valve du brassard ouverte). Dans la RIPheart study, l’anesthésie était maintenue par AIVOC Propofol-Rémi, dans l’ERICCA Trial, le type d’anesthésie était laissée à la discretion de l’anesthésiste en charge (mais c’était majoritairement de l’AIVOC avec parfois utilisation d’halogénés). Au final, dans les 2 études, il n’y avait aucune différence entre les groupes sur le critère de jugement principal qui était un critère composite de décès, infarctus du myocarde, AVC et Insuffisance Rénale Aigue pendant l’hospitalisation (pour la RIPheart study) et pour l’ERICCA Trial, c’était l’incidence cumulée à 12 mois de décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde, pose de stent coronarien et AVC.
Jusqu’à maintenant la majorité des études sur le préconditionnement ischémique étaient des études monocentriques, interventionnelles mais sans groupe contrôle. Par le résultat négatif de ces deux études on peut désormais dire qu’il n’y a pas d’intérêt à réaliser des épreuves de préconditionnement ischémique en chirurgie cardiaque sous CEC. D’une part, peut être que le bénéfice du préconditionnement n’apparaît pas, car la CEC, en elle-même protège le myocarde (hypothermie, cardioplégie). D’autre part l’utilisation des agents anesthésiques, notamment les halogénés, mais aussi à moindre degré les morphiniques et le propofol ont des effets protecteurs myocardiques. Enfin, il serait intéressant d’évaluer le préconditionnement ischémique dans des chirurgie à coeur battant.
La ventilation protectrice en réanimation hors-SDRA: revue systématique. Crit Care Med
La ventilation protectrice est une stratégie bien ancrée et étudiée dans le SDRA. En revanche certains débattent encore de l’utilité d’une ventilation protectice pour le patient « tout-venant » en réanimation qui n’a pas de critères de SDRA. Alors voici un élément de réponse avec cette revue systématique de 7 études (2100 patients non SDRA ventilés pendant au moins 2 jours) ou on a comparé une stratégie de ventilation à petit volume courant (< 7 ml/kg) , volume courant intermédiaire (7-10 ml/kg) et haut volume courant (> 10ml/kg). L’incidence de pneumopathie et de SDRA était respectivement de 23%, 28% et 31%. Dans cette méta-analyse la PEEP moyenne était de 6 cmH20. D’ou l’autre question: est ce qu’il est préférable d’utiliser une PEEP faible, moyenne ou haute pour le patient ventilé « tout-venant » de réanimation…encore un long débat mais si on utilise une ventilation protectrice, il faut mieux viser une PEEP de 6-8 cmH20 (au moins > 5 cmH20).
Les HFNC pour les intubations vigiles sous fibroscope. Br J Anaesth
Une étude intéressante ou les HFNC ont été utilisées pour l’intubation vigile sous fibro de 46 patients chirurgicaux. Aucun épisode de désaturation n’a été relevé. La fibroscopie et l’intubation naso-trachéale ont été possibles malgré l’utilisation des HFNC. D’autre part les auteurs émettent l’hypothèse que le débit de gaz des HFNC permettait d’optimiser l’anesthésie locale des VAS et de prévenir le collapsus des VAS.
Revue sur l’aspirine dans le traitement du sepsis et du SDRA. Crit Care (Open Access)
On découvre de plus en plus le rôle de l’activation plaquettaire dans la participation à l’inflammation et aux complications dans le sepsis et le SDRA. Se pose alors la question de l’intérêt de l’aspirine, pour sa propriété d’antiagrégant plaquettaire, comme traitement adjuvant dans ce cadre là. Pour l’instant il n’existe que des études observationnelles et rétrospectives sur ce sujet. Des études prospectives sont en cours.
Le TDM thoracique précoce comme aide au diagnostic des pneumopathies communautaires aux urgences. AJRCCM
Le diagnostic des pneumopathies communautaires n’est pas toujours aisé aux Urgences. Il repose sur la clinique et sur la radiographie thoracique, qui a ses limites. Dans cette étude prospective sur 319 patients consultants aux urgences avec une suspicion clinique de pneumopathie communautaire, la radiographie thoracique retrouvait des images de foyers chez 188 patients, permettant de poser le diagnostic définitif de pneumopathie chez 143 (45%) patients et probable chez 172 (54%) patients. Après réalisation d’un TDM thoracique, des images scanographiques de foyers étaient retrouvées chez 40 patients qui avaient une radio normale. Par ailleurs le diagnostic de pneumopathie était exclu chez 56 patients qui avaient des images de foyer à la radio de thorax. Suite à la réalisation du TDM thoracique, une antibiothérapie était débutée chez 51 patients et arrêtée chez 29 patients.
Est ce que ca veut dire qu’il faut faire des TDM thoraciques pour toutes les suspicions de pneumopathies? NON. Déja ca coute cher et c’est pas terrible niveau irradiation. Mais ce qui est intéressant dans cette étude, c’est que les 40 patients faux-négatifs pour la radio de thorax (et qui avaient des images de foyers sur le TDM) étaient plus vieux (> 65 ans) et avaient une CRP et des Leucocytes plus élevés en comparaison avec les patients n’ayant pas d’images de foyers sur le TDM. Le diagnostic de pneumopathie communautaire est peu évident, surtout chez les personnes âgées. Le TDM thoracique précoce peut être un atout pour les cas limites ou la radio est en désaccord avec les signes cliniques. Globalement il faut surtout se fier à la clinique et à la biologie, car la radio de thorax peut facilement être prise à défaut.
Le mannitol améliore l’oxygénation tissulaire cérébrale dans un modèle de trauma cranien. Crit Care Med
Belle étude expérimentale sur l’effet du mannitol sur l’hypoxie cérébrale et l’oedème post-traumatique. Quatre groupes de rats ont été sélectionnés : tout d’abord le groupe sham-saline et le groupe traumatic brain injury-saline (TBI saline) (note: la base des études expérimentales = toujours contrôler l’effet de l’intervention initiale, ici le trauma cranien, pour assurer la reproductibilité des résultats et établir une « baseline »). Dans le groupe TBI-saline, la St02 et la Sv02 dans le sinus sagittal supérieur étaient significativement plus basses que dans le groupe sham-saline, suite à l’oedème astrocytaire (= donc le trauma cranien induit bien une hypoxie tissulaire). Un traitement par mannitol 30min après le trauma cranien ( le groupe TBI-mannitol) permettait d’améliorer la St02 par rapport au groupe TBI-saline (de 78% à 82%) et de réduire l’oedème cérébral (seulement 8% des capillaires cérébraux étaient normaux dans le groupe TBI-saline contre 25% dans le groupe TBI-mannitol)
Cette étude apporte une pierre de plus à notre connaissance de l’effet du mannitol sur la microcirculation cérébrale dans le trauma cranien (il n’a pas qu’un effet bénéfique par amélioration de la « mécanique cérébrale » et par diminution de la PIC, mais aussi par une amélioration de la St02)
L’administration de MgSO4 en peropératoire ne réduit pas l’incidence de l’ACFA en postopératoire de chirurgie cardiaque. Anesth Analg
C’est une étude contrôlée randomisée en double aveugle sur 389 patients de chirurgie cardiaque. Dans le groupe « magnésium » les patients recevaient un bolus de 50mg/kg de MgSO4 à l’induction puis 50mg/kg sur 3h. Il n’y avait aucune différence ni sur l’incidence de l’ACFA de novo ni sur son délai d’apparition en postopératoire. Le magnésium perop était encore l’un des rares moyens d’essayer de prévenir l’ACFA postop en chirurgie cardiaque (ici l’incidence est de 40%, ce qui colle avec ce qu’on retrouve habituellement en chirurgie cardiaque et thoracique = 30-50%), même si on avait des doutes sur son efficacité. Ici au moins c’est clair, ce n’est pas efficace. La seule chose qui permet en effet de réduire l’incidence des ACFA postop est la reprise précoce du traitement bêta-bloquant.
Variabilité de la durée du bloc neuromusculaire après dose unique de succinylcholine. Eur J Anaesthesiol
Ca vous est déja arrivé de faire une induction en séquence rapide avec de la succinylcholine pour un geste court et de vous retrouver avec une curarisation prolongée?? En fait c’est beaucoup plus fréquent que ce qu’on ne pense. Dans cette étude prospective observationnelle, la durée de curarisation après une dose unique de succinylcholine a été évaluée chez 1630 patients. La durée de curarisation allait de 80 sec à 44min avec une médiane à 7,3 min. 16% des patients étaient curarisés pendant au moins 10min. Les facteurs de risques indépendants de curarisation prolongée identifiés étaient: la classe ASA, l’âge, pathologie hépatique, grossesse, néoplasie, utilisation d’étomidate ou de métoclopramide.
Revue sur la gestion de l’hydratation des patients de réanimation. N Eng J Med

Tous les différents stimuli de sécrétion de l’AVP (rétention d’eau) participant à l’hyponatrémie du patient hospitalisé
Apport diagnostique de la CRP et le PCT dans les pneumopathie communautaires consultant aux urgences avec réalisation d’un TDM thoracique systématique. Crit Care (Open Access)
C’est une étude ancillaire à l’étude précédemment citée (donc avec les mêmes patients) sur l’apport du TDM thoracique précoce dans le diagnostic des pneumopathies communautaires aux urgences. Ici les auteurs ont voulu étudier l’utilité de la CRP et de la PCT dans l’algorithme diagnostic. L’AUC de la CRP était de 0,787 et l’AUC de la PCT était de 0,655. Un seuil de CRP de 50mg/L avait une VPP de 76% et une VPN de 75% pour le diagnostic de pneumopathie communautaire. Aucun seuil de PCT n’a été suffisamment discriminant pour avoir une VPP ou une VPN satisfaisante. On ne peut donc pas se baser sur ces seuls biomarqueurs pour le diagnostic. Encore une fois c’est la clinique, la clinique et encore la clinique.
Revue sur la candidose invasive. N Eng J Med
Classification des études:
And the Oscar goes to…l’article du mois!! Une étude bien menée avec un bon niveau de preuve et un impact sur notre pratique
Un article qui va faire du bruit !!
Une étude expérimentale avec une ouverture sur la recherche clinique et la pratique quotidienne. Hommage à Claude Bernard, le père de la médecine expérimentale!
Une revue de la littérature ou un article de mise au point bien écrit et bien expliqué.
Une étude qui peut changer votre pratique! C’est le X-Factor !!!
Un article intéressant à lire absolument!
Une étude ou une revue traitant d’une technique ou d’une pratique innovante dans le domaine de l’anesthésie-réanimation.
Une étude originale ou un article traitant d’un sujet original.
Merci,
A propos de l’article sur la durée du bloc neuromusculaire après injection de celocurine, on retrouve 16% des patients ayant eut un bloc >10min et non 60%.
Merci pour cette correction, en effet c’est sixTEEN et pas sixTY !! Je corrige tout de suite!