La Gazette du Gazier : Janvier/Février 2016 [version vidéo]
Bonjour! Revoilà la Gazette du Gazier après quelques mois d’absence. Pour cette nouvelle année j’ai voulu ajouter une version vidéo pour apporter un peu d’interactivité et pour changer un peu. Mettez moi des commentaires pour me dire ce que vous en pensez, en bien ou en moins bien, je serais toujours attentif à vos commentaires pour améliorer le blog.
Alors sans plus attendre la voici :
Et maintenant pour la version écrite:
Quelle utilité de l’acétazolamide chez les patients BPCO ventilés mécaniquement? JAMA
L’Oscar du mois reviens à cette étude évaluant l’utilité de l’acétazolamide chez les patients BPCO ventilés mécaniquement. En effet l’alcalose métabolique est fréquente chez ces patients (diurétiques, corticoides, hypercapnie permissive). L’alcalose métabolique peut allonger la durée de ventilation mécanique par plusieurs mécanismes (inhibition des centres respiratoires, centraux, hypophosphorémie, hypokaliémie, alteration de la dissociation de l’oxyhémoglobine).
C’est une étude contrôlée randomisée multicentrique en double-aveugle incluant tous les patients BPCO ventilés mécaniquement pendant au moins 24h. Ils étaient ensuite randomisés en 2 groupes: groupe acétazolamide ou les patients recevaient 500 mg d’acétazolamide deux fois par jour, et le groupe placebo.
Il n’y avait aucune différence sur la durée de ventilation mécanique, sur l’incidence des échecs de sevrage, sur les paramètres respiratoires (ventilation minute, fréquence respiratoire) ou sur la mortalité. En revanche dans le groupe acétazolamide, le pH et les bicarbonates étaient significativement plus bas que dans le groupe placebo.
En conclusion, on peut dire qu’il n’y a pas d’indication à prescrire systématiquement de l’acétazolamide. Toutefois il faudrait évaluer l’intérêt de l’acétazolamide dans les alcaloses métaboliques plus sévères et évaluer l’intérêt de cette molécule à des posologie plus élevées.
Le DES-OSA Score : Un nouvel outil pour détecter l’apnée du sommeil en consultation d’anesthésie. Anesth Analg
L’apnée du sommeil a une incidence de 7% dans une population de patients chirurgicaux. Son dépistage en consultation est intéressant, car il permet d’anticiper certaines complications liée à cette pathologie dans le contexte périopératoire notamment l’intubation et la ventilation difficile ou encore l’obstruction postopératoires des voies aériennes, favorisée par les morphiniques d’action longue. Le questionnaire le plus utilisé en consultation d’anesthésie est le questionnaire STOP-BANG. Toutefois ce questionnaire nécessite que le patient réponde à des questions (ronflez-vous? faites vous des apnées nocturnes? êtes-vous fatigué) qui le rendent subjectif. C’est pourquoi le DES-OSA score a été développé, car il repose uniquement sur des éléments objectifs, d’évaluation aisée en consultation d’anesthésie.
Dans cette étude, 149 patients bénéficiaient d’une polysomnographie nocturne et étaient évalués par un médecine indépendant qui recueillait plusieurs critères. Le DES-OSA score avec un seuil à 7 points avait une Sensibilité de 75%, une Spécificité de 77%, une Valeur Prédictive Positive de 63% et une Valeur Prédictive Négative de 85% pour prédire un syndrome d’apnée du sommeil sévère (index apnée/hypopnée > 30/h). L’intérêt de ce score est que l’évaluation est objective et peut être probablement intégrée dans un logiciel de consultation d’anesthésie avec un calcul automatique.
Anesthésie Générale VS Anesthésie Neuraxiale pour les PTG et PTH. BJA
L’éternelle question qui s’est d’abord posée pour les fractures du col du fémur (ou la réponse n’est pas encore claire) et maintenant pour les PTG et PTH. Ici c’est une revue systématique de la littérature qui compare l’anesthésie générale à l’anesthésie neuraxiale (péridurale et/ou rachianesthésie).
Il n’y a aucune différence (cf tableau) excepté pour la durée de séjour, qui est plus courte de 0,40 jours pour l’anesthésie neuraxiale. Cette différence n’étant pas vraiment cliniquement significative, il n’y a donc pas de différence entres les 2 stratégies anesthésiques. Peut être allez-vous tiquer sur la différence significative pour PE (embolie pulmonaire) et DVT (TVP), mais elle l’est pour une prise en charge postopératoire sans thrombophylaxie pharmacologique, alors que lorsqu’on rajoute une thrombophylaxie pharmacologique (Rx dans le tableau) cette différence s’efface.
On regrette que les auteurs n’aient pas séparé Rachianesthésie et Péridurale et n’aient pas détaillé les techniques de rachianesthésie (quel anesthésique local, quelle dose…).
Les PTH sous rachianesthésie se font très bien (chez moi on blindait les rachi avec 12,5 à 15mg de bupi !!) mais je trouve que c’est toujours un peu précaire : si jamais il faut endormir le patient et l’incuber, c’est pas évident de le faire lorsqu’il est en décubitus latéral (on sait jamais, si le chir se tape une variante anatomique d’une branche de l’artère fémorale….). Je dis pas qu’il ne faut pas en faire, lorsqu’on est habitué et que le chirurgien est rapide je trouve ça très bien, ça évite d’endormir les patients qui ont souvent plusieurs comorbidités. Mais dans ma petite expérience en orthopédie j’ai quelques souvenirs d’intubation en décubitus latéral en catastrophe pour des choc hémorragique imprévu! En revanche pour les PTG c’est plus simple, le patient étant en décubitus dorsal, l’induction et l’intubation se font plus facilement.
Intuber un patient avec un collier cervical avec une lame de Macintosh en laryngoscopie directe ou avec un vidéolaryngoscope? BJA
Je pense que les pratiques ont évolué et que maintenant tout le monde intube les patients avec une immobilisation cervicale par collier rigide avec un vidéolaryngo, mais cette étude a le mérite d’ancrer cette pratique. C’est une méta-analyse de 24 études qui a évalué les conditions et la rapidité d’intubation avec une lame de MacIntosh VS plusieurs vidéolaryngoscopes pour l’intubation de patients avec un collier cervical. Il en ressort que l’Airtraq est le plus performant de tous les vidéolaryngoscopes et plus performant que la laryngoscopie directe:
- Moins de risque d’échec d’intubation au premier essai : 3,4% pour l’Airtraq; 28 % avec la laryngoscopie directe qui est comparable avec les autres videolaryngoscopes
- Plus de Cormack I avec un vidéolaryngoscope : 66% pour les vidéolaryngoscopes; 18% pour une laryngoscope directe
- Un délai d’intubation signifcativement plus court pour l’Airtraq (10sec) VS la laryngoscopie directe et VS les autres vidéolaryngoscopes)
- Moins de complications liées à l’intubation (trauma de lèvre ou de l’oropharynx) avec l’Airtraq VS la laryngoscope directe et VS les autres vidéolaryngoscopes.
J’espère que vous êtes convaincus, utilisez un vidéolaryngoscope pour les intubations de ces patients!
Le Gap-CO2 est un bon reflet de la microcirculation dans le choc septique. Intensive Care Med
Le Gap-CO2 est la différence veno-artérielle en CO2 (Pv-aCO2), c’est à dire la différence de PCO2 entre les gaz du sang veineux centraux et les gaz du sang artériel. En 2013, une étude a montré que lorsque ce Gap CO2 était élevé, et surtout s’il restait élevé au cours de la prise en charge du choc septique, il était bien corrélé à la défaillance multiviscérale et à la mortalité à 28 jours.
L’avantage du Gap-CO2 est l’absence de facteurs confondants. En effet la ScvO2 est également un reflet de la microcirculation (de l’extraction d’oxygène par les tissus), seulement elle dépend de plusieurs facteurs: l’oxygénation des tissus, le taux d’hémoglobine, le débit cardiaque. Son interprétation est parfois difficile : en effet on peut avoir une ScvO2 « faussement » normale dans le choc septique, car d’un côté le débit cardiaque est abaissé, mais de l’autre le trouble d’extraction d’oxygène fait que la ScvO2 est « faussement » haute.
Dans cette étude prospective observationnelle, 75 patients en choc septique ont été inclus. Ces patients bénéficiaient d’un monitorage par SvO2 (prélevé sur Swan Ganz à H+0 de la pose puis à H+6) avec en parallèle un monitorage de la microcirculation par un dispositif appelé sidestream darkfield device, appliqué sur la partie latérale de la langue. Les résultats sont intéressants:
Comme vous pouvez le voir, le Gap-CO2 (Pv-aCO2) avec un seuil à ≥ 6 mmHg est bien corrélé avec la microcirculation (PPV). En revanche il n’y a aucune corrélation entre la microcirculation et l’index cardiaque, la PAM ou la SvO2. Par ailleurs dans cette étude, le Gap-CO2 n’est pas corrélé aux autres paramètres macrocirculatoires (IC, PAM et SvO2).
Le Gap-CO2 n’est pas pour l’instant un objectif thérapeutique dans le choc septique, mais son interprétation utile pour apprécier l’état de la microcirculation en parallèle de l’interprétation des autres paramètres tels que la ScVO2 et l’Index Cardiaque.
NB: pour ceux qui se posent la question, dans cette étude la SvO2 est prélevée sur Swan Ganz, c’est donc une SvO2 et non une ScvO2 (Saturation centrale veineuse en oxygène). Il existe un gradient entre les 2 de l’ordre de 5 – 8%, car la SvO2 reflète également l’extraction d’oxygène du territoire cave inférieur et du sinus coronaire (sang veineux mêlé) alors que la ScvO2 ne reflète que le territoire cave supérieur. En pratique il n’y a pas de différence, plus que leur valeur absolue, c’est la variabilité de ces paramètres au cours de la prise en charge du patient qui importe (et qui est superposable entre SvO2 et ScvO2).
Chlorhexidine alcoolique VS Bétadine alcoolique pour la désinfection cutanée avant césarienne. NEJM
Dans cette étude contrôlée randomisée monocentrique, 1147 patientes prévues pour une césarienne (programmée ou en urgence) ont été incluses et randomisées : elles bénéficiaient soit d’une désinfection cutanée du champ opératoire par Chlorhexidine alcoolique ou par Bétadine alcoolique.
A 30 jours postop il y avait significativement moins d’infection du site opératoire dans le groupe chlorhexidine (4%) que dans le groupe bétadine (7%). Il n’y avait pas de différence sur la réduction du risque d’infection du site opératoire dans les sous-groupes de patientes obèses, diabétiques ou encore selon le type de fermeture cutanée ou le type de césarienne (en urgence ou programmée). Il n’y avait pas non plus de différence sur l’incidence d’endométrite, sur la durée de séjour, le taux de réhospitalisation pour infection ou sur la microbiologie des prélèvements bactério chez les patientes infectées.
De plus en plus d’études montrent que l’utilisation de la chlorhexidine est plus efficace que la bétadine sur la réduction des infections du site opératoire, et récemment, sur l’incidence d’infections liées aux cathéters centraux. En effet la chlorhexidine a une forte activité antibactérienne sur des souches gram positive et gram négative ainsi que sur le SARM et a un effet plus prolongé que la bétadine. Contrairement à la bétadine, la chlorhexidine n’est pas inactivée par le contact avec les fluides biologiques et ne nécessite pas un temps de repos et de séchage entre l’application et l’incision. En revanche son coup est plus élevé que celui de la bétadine. Concernant la prévention des infections du site opératoire, il est encore incertain si l’efficacité de la chlorhexidine alcoolique est due à l’alcool ou à la chlorhexidine seule. Ce n’est pas le cas pour la prévention des infections liées aux cathéters centraux ou la chlorhexidine est supérieure à la bétadine sur la réduction de ces infections.
Voici en plus quelques revues que j’ai trouvé intéressantes:
- Revue sur le bleu de méthylène comme traitement de la vasoplégie (c’est un vieux traitement, qu’on utilisait dans les vasoplégies ou la NO synthase était surexprimée = les chocs dits « distributifs »). Anesth Analg.
- Revue sur la prise en charge des traumas des voies aériennes. Anesthesiology.
- Revue sur la prise en charge périopératoire des patients diabétiques de type 1 sous pompe à insuline. BJA
- Revue sur la prise en charge de l’hémorragie cérébrale grave. Critical Care [Open Access]
- Sepsis-3 : Révisions de la définition du sepsis et du choc septique. JAMA [Open Access]
C’est marrant, avec les années qui passent j’ai l’impression de voir des choses revenir et repartir… Le classique adage de viok quoi 😉
(Le delta CO2, la chlorex, l’alr vs ag, etc)
Quant au collier cervical, il y a surtout de nombreuses fois où il n’est pas indiqué et gêne la prise en charge plus qu’autre chose comme tu le sais
Bye
Hmm je vois ce que tu veux dire : on prend un concept d’étude et on l’applique à tous les types de chirurgies ou de patients possible !! C’est le bruit de fond de la littérature médicale mais ces études ont le mérite d’exister et d’apporter leur petit grain de sel 🙂 .
Maintenant je zappe de plus en plus les études du style « comparaison du PVI au machin bidule en chirurgie truc…. » c’est la vieillesse qui doit me guetter!!
Concernant le collier cervical, j’ai l’impression que les habitudes évoluent un tout petit peu, en tout cas chez moi ou on l’enlève plus volontiers, mais les vieilles habitudes ont encore du mal à partir!
Merci pour ta biblio vidéo, Edvard, c’est un excellent choix de présentation et didactique….En revanche, pour celle du mois de mars (car on espere qu’il y en aura d’autre !!!!), enleve la musique de fond, c’est insupportable, on a l’impression d’être à Noel (les cloches, le pere Noel tout ca !!) 😉
Merci !
Merci pour ton commentaire. C’est noté pour la musique!! (j’avais peur que l’unique son de ma voix soit insupportable, donc j’ai rajouté la musique d’un compositeur que j’aime bien). C’était un premier essai, je ne suis pas sûr que je vais continuer de faire les biblios comme ça (c’est long et un peu chiant les présentations), je le ferai peut être sous une autre forme.
Je reste très pertubé par l’étude acetalozamide vs placebo chez le BPCO.
De manière chronique, ce sont des patients qui ont une alcalose métabolique adapté du coup, je trouve ça un peu ridicule d’essayer de corriger un chiffre alors qu’au final, ce sont des patients qui ont besoin de cette alcalose. J’avoue que du coup, je m’étais même pas penché sur le papier. Après y avoir jeté un coup d’oeil je suis deçu qu’il ne mettent pas les valeurs de pH en valeur absolu, uniquement en variation. (et pas possible d’accéder à l’appendice depuis le domicile). Mais bon, ça reste grosso modo kif kif dans les deux groupes, donnant l’impression que l’acetalozamide chez les BPCO, ça marche peut etre pas si bien que ça aussi. A voir dans la population générale. Bref.
Bravo pour la lecture
Aujourd’hui de plus en plus de PTH se font par voie antérieure : en DD avec très peu de saignement mini incision voire en ambu. Donc je préfère rachi+deezer.