La Gazette du Gazier: Juillet 2015
Bonjour à tous, La Gazette du Gazier est enfin de retour!! Ce mois-ci quelques articles intéressants dans la littérature notamment sur le fibrinogène en obstétrique ou sur la péridurale en chirurgie cardiaque. Jetez un coup d’oeil en fin de page aux articles parus dans les blogs médicaux en Juillet, il y a de quoi lire et apprendre, notamment sur le choc septique et le lactate. Par ailleurs les gars d’Ultrasoundpodcast on fait une très bonne vidéo interactive sur l’évaluation du VD en Echo Coeur, un must-see pour tous les geeks qui aiment manier la sonde d’écho!
Bonne lecture à tous!
Anesth&Analg
Quelles cibles de propofol et de rémifentanil pour prévenir le réflexe nauséeux lors d’une FOGD?
- Design : Etude contrôlée randomisée monocentrique
- Population: 124 patients prévus pour une FOGD sous sédation
- Protocole : 4 groupes avec remifentanil 1 ng/ml (groupe REMI1) , remifentanil 2 ng/ml (REMI2), propofol 2mg/ml (PROP2),propofol 3 mg/ml (PROP3). Pour les groupes REMI 1 et REMI 2 la cible initiale de propofol était respectivement de 3,5mg/ml et 2,5mg/ml. Pour les groupes PROP 2 et 3 la cible initiale de rémifentanil était de 1,5 ng/ml. La sédation était adaptée pour avoir un score de Ramsay à 4. La cible de rémifentanil dans les groupes PROP 2 et 3 et la cible de propofol dans les groupe REMI 1 et 2 étaient augmentées ou diminuées après chaque patient en fonction de la survenue ou non d’un reflexe nauséeux (toux, réflexe nauséeux ou refus lors de l’introduction du fibroscope) ceci afin d’obtenir une courbe dose-réponse.
- Resultats : Vous avez ici la Ce50 et la Ce90 (= concentrations plasmatique qui inhibent le réflexe nauséeux dans 50% et 90% des cas) dans les 4 groupes.

Courbes montrant la Ce50 et la Ce95 dans chaque groupe (= posologie inhibant le réflexe nauséeux chez 50% et 95% des patients)
Anesthesiology
- Design: Etude de cohorte rétrospective
- Population: 182 307 patients gériatriques opérés entre 1997 et 2011 à Taiwan pour une fracture de hanche.
- Résultats: La mortalité intra-hospitalière, l’incidence d’AVC et de détresse respiratoire étaient plus importantes pour les patients opérés sous AG VS les patients opérés sous rachianesthésie. Les patients opérés sous AG avaient aussi une durée supérieure d’hospitalisation, un risque plus élevé d’admission en réanimation et un coût plus important.
- Commentaire: Aller, on en remet une couche sur le débat AG VS ALR pour les fractures du col. La question n’est toujours pas tranchée : une étude dans Anesthesio en 2012 montrait que la rachianesthésie était préférable, mais cette étude était biaisée. Plus récemment une étude américaine ne montrait pas de différence entre les 2 techniques. Ici sur une population taiwanaise, la rachianesthésie est préférable, même s’il existe plusieurs biais dans cette étude (non prise en compte du statut ASA, Ethylotabagique, état fonctionnel préop etc…A vous de choisir entre les 2!
La ventilation protectrice fait encore preuve de son utilité au bloc opératoire
- Design: Méta-analyse d’études randomisées
- Population: 15 études contrôlées randomisées (=2127 patients) évaluant une stratégie de ventilation peropératoire protectrice ( Vt < /= 8ml/kg de poids idéal théorique avec une PEEP >/= (cmH20 et +/- des manoeuvres de recrutement) VS une stratégie conventionnelle (Vt > 8 ml/kg de poids idéal théorique avec une PEEP < 5cmH20 et sans manoeuvres de recrutement)
- Critères de jugement: Le critère principal de jugement est l’incidence de complications pulmonaires postopératoires (infection, barotrauma, ALI/SDRA…). Les critères secondaires de jugement étaient la mortalité intra-hospitalière, la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital.
- Résultats: L’incidence de complications pulmonaires postopératoires était plus importante dans le groupe ventilation conventionnelle (14,7%) VS le groupe ventilation protectrice (8,7%). Cependant il n’y avait pas de différence sur la mortalité intra-hospitalière ni sur la durée de séjour en réa ou à l’hôpital. Par contre les patients souffrant de complications respiratoires postopératoires mourraient plus et avaient une durée de séjour plus importante. D’autre part les auteurs ont retrouvé une relation dose-réponse entre l’incidence des complications respiratoires postopératoires et le volume courant. Cependant cette association n’existait pas pour la PEEP.
- Commentaire: La ventilation protectrice est bel et bien une pratique à adopter au bloc opératoire. Dans une population générale, la différence en terme de mortalité n’est peut être pas flagrante, car la mortalité des patients chirurgicaux est globalement faible. Par contre on peut s’intéresser au coût et aux séquelles qu’engendrent ces complications respiratoires postopératoires liées à une ventilation dite « conventionnelle ». Rien qu’en changeant quelques réglages sur un respirateur on peut déja réduire les coûts et éviter aux patients des séquelles respiratoires. Par ailleurs, la ventilation protectice a un effet bénéfique bien plus marqué dans une population de patients précis : patients obèses, chirurgie pulmonaire.
Revue sur les médicaments antifibrinolytiques en chirurgie cardiaque
British Journal Of Anaesthesia
L’administration de fibrinogène doit être ciblée et non libérale en traumatologie!
- Design: Etude de faisabilité contrôlée randomisée ouverte
- Population: Patients adultes polytraumatisés arrivant dans les 3h au trauma center avec des critères de choc hémorragique
- Protocole: 2 groupes (43 patients) : CRYO arm ou les patients recevaient en plus du traitement habituel du choc hémorragique 4g de fibrinogène dans les 90 min après leur arrivée. Dans le STANDARD Arm les patients recevaient 4g de fibrinogène au cours de l’administration du 2e pack de transfusion massive (1er pack = 6 CG 4PFC, 2e pack = 6 CG, 4PFC, 4f Fg , 1 CUP).
- Critères de jugement: Le critère de jugement était la faisabilité de l’administration précoce de fibrinogène ( > 90% des patients du CRYO Arm devaient recevoir du fibrinogène). Les critères secondaires incluaient des critères d’efficacité (volume transfusionnels, mortalité à 28 jours etc…) et de sécurité (incidence de MTEC et d’IDM etc…)
- Résultats: Outre le fait que l’administration de fibrinogène soit faisable, ce qui est intéressant ici c’est que la mortalité ne diffère pas entre les 2 groupes. Bien sûr, ici c’est un critère de jugement secondaire et il y a un faible nombre de patients. Mais ca me permet de reinsister sur le fait que le fibrinogène doit être prescrit sur des critères biologiques (bilan d’hémostase ou ROTEM/TEG) et non pas à l’aveugle!!
- Design: Etude observationnelle prospective
- Population: 1951 parturientes dans 5 maternité suédoises
- Protocole: Dosage du fibrinogène à l’admission en salle de naissance et quantification du saignement pendant l’accouchement et en postpartum par la sage femme (volume sang dans la poche + pesée des compresses). Le critères retenu pour diagnostiquer une hémorragie de la délivrance était un saignement > 1000ml
- Résultats: il n’y avait aucune association entre la concentration plasmatique de fibrinogène à l’admission et l’incidence d’hémorragie du post-partum même pour les sous groupes de patientes à risque (BMI > 30, pré-éclampsie, césarienne, déclenchement, manoeuvres instrumentales…). En analyse multivariée, les facteurs associés à un saignement > 1000ml en postpartum étaient: stimulation par ocytocine, manoeuvres instrumentales, césarienne et révision utérine.
Evaluation de la péridurale analgésique en chirurgie cardiaque
- Design: Méta-analyse d’études randomisées (n=59) et de cas-témoins (n=7) évaluant la péridurale analgésique en chirurgie cardiaque pour un total de 3200 patients.
- Critères de jugement: Le critères principal de jugement était la mortalité. Les critères secondaires étaient l’incidence d’infarctus du myocarde, de ventilation mécanique prolongée et d’hématomes épiduraux
- Résultats: La mortalité était significativement plus basse dans les groupes de patients ayant bénéficié de la péridurale (1,9%) VS les patients ayant eut une anesthésie générale seule (3,3%). L’incidence d’infarctus du myocarde était également significativement plus basse dans le groupe péridurale (2,4%) que dans le groupe anesthésie générale seule (3,7%). De même pour la ventilation mécanique qui était significativement plus courte dans le groupe péridurale, mais le résultat n’est cliniquement peu intéressant (différence de 30min entre les 2 groupes). En regroupant toutes les études, l’incidence d’hématome épidural était extrêmement faible et représentait un risque de 1:3552 patients!!!
- Commentaires: Une étude encourageante sur le bénéfice et l’intérêt de proposer cette technique pour les patients de chirurgie cardiaque souvent très douloureux à J+1 et J+2 avec notamment un risque d’encombrement bronchique, de décompensation de BPCO, de pneumopathie etc… On est rapidement limité pour gérer la douleur de ses patients, surtout que dans ce contexte de SIRS post-CEC, le kétroprofène n’est pas trop notre ami!! La péridurale pourrait être une bonne alternative, mais toute la question est de savoir quand la mettre en place… la veille, 2h avant, juste avant l’induction…?? On pose bien des dérivations lombaires dans les anevrysme de l’aorte thoracique…pourquoi ne ferait-on pas de péridurale?
Critical Care Med
Revue sur la prise en charge postopératoire des patients de chirurgie cardiaque
JAMA
Revue sur le traitement de l’ACFA
New England Journal of Medicine
Revue sur la régulation du potassium
Revue sur la thrombopénie induite par l’héparine
Les Blogs
- Le « gauche-droite » de l’ACR en FV réfractaire
- Devant une FV réfractaire toujours penser à replacer les éléctrodes
- Case report intéressant d’une utilisation séquentielle de 2 défibrillateurs délivrant des CEE séquentiels sur une FV réfractaire. Quelques case reports suggèrent que la « Double Sequential Defibrillation » est efficace pour réduire une FV quand un CEE simple ne suffit pas.
- La petite technique toute bête pour mettre des grosses VVP sur des patients en choc
- Chez les patients choqués, il est parfois difficile de mettre des VVP de bon calibre, car ils sont serrés en périphérie. Souvent on est obligé de mettre des 22-24 G alors qu’on aimerai un 16G
- La technique: mettre le garrot puis mettre un 22 ou 24 sur le dos de la main, injecter du sérum phy en laissant le garrot en place pour dilater les veines en aval et pouvoir coller un grosse perf!
Pulmcrit
- L’early goal therapy en accéléré
- Les recommendations initiales suggèrent une escalade thérapeutique sur 6-12h avec des objectifs à atteindre
- Pourquoi ne pas atteindre ces objectifs dès la première heure pour stabiliser les patients les plus graves?
- Noradré puis Vasopressine + Corticoides de manière précoce
- L’élément le plus important à gérer est la PAM, qu’on doit normaliser dans la première heure avec de la noradrénaline s’il le faut (au lieu d’attendre l’échec du remplissage vasculaire)
- Ce qu’il faut savoir sur les corticoides dans le choc septique
- 1 : Il n’y a aucune preuve que les corticoides améliorent la mortalité dans le choc septique
- 2: Il n’y a pas de risque de surinfection
- 3: Les corticoides réduisent la durée du choc septique
- 4: On ne sait pas quels patients bénéficieraient le plus des corticoides , pas seulement les patients avec un choc septique réfractaire aux vasopresseurs.
- Ce qu’il faut savoir sur le lactate dans le choc septique
- Le lactate n’est pas uniquement lié au métabolisme anaérobie et à l’hypoxie tissulaire. Il est principalement la conséquence d’un sécrétion endogène d’adrénaline accrue stimulant la glycolyse par les récepteurs bêta.
- Le lactate est un protecteur myocardique et cérébral, il sert de substrat énergétique pour le coeur et le cerveau.
- Une élévation du lactate est utile pour diagnostiquer un choc septique occulte = patients relativement stable hémodynamique mais avec une hyperlactatémie importante
- Il n’y a pas vraiment de preuve que la surveillance de la clairance du lactate soit un objectif utile dans le choc septique (autre que la PAM, la diurèse, la ScV02…)
- Le lactate de sodium est un soluté sûr et efficace. Le Ringer Lactate peut être utilisé comme soluté d’expansion volémique.
- L’adrénaline a souvent été mise de côté dans le choc septique du fait qu’elle induisait une hyperlactatémie. Mais étant donné que le lactate n’est pas nocif, bien au contraire, on pourrait reconsidérer son utilisation dans le choc septique (comme inotrope ou vasopresseur).
Perruche en Automne
- Le pronostic à long terme de l’insuffisance rénale aigue
- Une présentation intéressante sur les conséquences à long terme d’une insuffisance rénale aigue.
- Une réflexion intéressante pour nous anesthésistes-réanimateurs qui n’avons pas toujours de recul sur les conséquences à long terme des pathologies aigues que développent nos patients au bloc et en réanimation.
Pour finir une vidéo partagée par le groupe SFARJeunes, réalisée par les internes d’UCLA sur le choc septique, sur une parodie de Justin Timberlake « Sexy Back ». Enjoy!
+1 pour la vidéo 😉